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Myriam Marc Chapitre I - Appendre à mourir Chapitre II - Errances Chapitre III - Mourir, une fois de plus Chapitre IV - Plus froid que la mort Chapitre V - Les forces souterraines Chapitre VI - Les tunnels du souvenir Chapitre VII - Tout est à commencer

Chapitre III - Mourir, une fois de plus

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En attendant la mort

 

J'ai le cœur lourd. Les gens me pèsent. La tête pleine d'une énergie haineuse que je ne sais exorciser qu'en me frappant le crâne à coups de marteau, je rampe sans trouver d'issue à ma folie. Un trou dans le sol ? Il faut que je le creuse : les ongles s'écaillent les uns après les autres, bientôt je n'ai plus de doigt, plus de main, plus de bras... De la langue, je lèche les plaies : enfin une fin aux veines ! Je sais qu'à partir de maintenant, il me faudra détester plus encore les hommes, car ils seront tentés de me prendre en pitié. Je resterai dans ma cage et ne me laisserai ni approcher, ni même regarder : il leur faudrait des ailes pour m'atteindre. Les oiseaux, je leur briserai les pattes, afin qu'il ne leur vienne plus l'envie de marcher aussi bas que moi. Le sol que je foule est mon seul allié -si dur, si pur- c'est dans la fange et les herbes molles que je trouve la force d'exister : ma haine a de l'amour à revendre à la terre. Sur elle, il n'y a plus qu'un seul être qui me soit cher. Pour lui, j'ouvre des bras de géant sur la nuit. C'est un être de pierre que j'étreins et qui m'écorche de son épiderme rugueux. Pour lui, je me suis inventé des membres plus forts, qui repousseraient toute la horde d'humains que le meilleur bataillon armé ne saurait contenir. C'est là la force de l'amour pour l'être de pierre, de la haine pour tout ce qui se dit être humain. J'ai élevé un monument à mon âme brisée, c'est un nouveau prétexte pour rester en vie, un nouveau mensonge pour permettre à la souffrance de se nourrir de mon être, incapable de mourir. Et pourtant, chaque jour que je vis, j'ai l'impression d'en mourir, et j'ai mal. Je retourne à la souffrance, vidée d'espoir. J'apprends chaque jour combien le désespoir peut se faire plus profond, plus fort. Je ne sais plus faire face à la douleur, elle me prend tout mon être, elle qui a déjà emporté tant de désespérés. Il ne nous reste que le froid pour aimer, rien que le vide à embrasser, rien que la mort à espérer. Je ne sais que souffrir, et la mort attend, patiemment, que je sois prête à me donner. Le vide reprend ses droits. Il y aura tant de pages blanches, tant de mots restés vides, tant d'instants passés à être là et à ne plus rien savoir, à ne plus rien vouloir, à n'être plus rien que l'attente, en vain, le désespoir, plus fort, la souffrance, toujours, et la mort qui attend...

 

dessin : Tête
Le personnage est centré sur la douleur ; celle-ci l'a transformé en une sorte de mort-vivant, un être figé qui n'existe que par la souffrance.

 

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