Chapitre V - Les forces souterraines : L'écriture | ||
Vivant !
Ah, se savoir sans père, sans foyer ni amant, se savoir ici-bas et pourtant aux enfers Mon dieu, devoir se taire, à la nuit la plus noire, à une nuit sans vie abandonner son cri Parcourir cette terre, sans but défini, y voir naître et mourir des mondes infinis Sur un vaisseau fantôme devoir fendre la mer, se tordre à son écume, se noyer dans l’oubli
Vouloir briser ces vers, ô poète maudit, tu connais tes enfers, pour toi non point de vie Mais la mort quotidienne, sur les planches de bois, la mort dans les grimoires, et la mort sous ton toit
Oui, s’agiter encore, une dernière fois, laisser la flamme trembler de te savoir sans loi Une dernière fois se regarder pleurer et s’affliger encore de ces larmes faciles N’être plus que le fou, celui d’un roi qui meurt, sans ambition ni foi, le regard fixe et fier Et l’âme à mille lieues des tourments de la terre, et l’âme dans les cieux, perdue dans ses enfers
Ah, s’essayer encore, une dernière fois, à la passion mortelle, dévastatrice, mais belle Puis relever la tête, en guise de défi, aveugle, les yeux vides, ignoble, tu blêmis De voir déjà le jour, mais de ne ressentir, finalement, que la nuit, ténébreuse et profonde Mais arracher encore, une dernière fois, une larme, un sourire, qu’importe que ce soit
Juste avant de mourir, sur les planches de bois, aux mots donner la force, et à la voix le ton De faire rire ou pleurer, une dernière fois, et crier dans le noir, l’œil hagard, suppliant Crier comme il est beau de mourir sur la scène, de mourir chaque soir, et d’être enfin vivant !
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