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Lire > Chapitre 25 :

25.

Le lendemain nous avons traîné dans l'appartement sans dire grand-chose, juste le nécessaire.

Le surlendemain, au soir, nous avons décidé de partir, de faire une fugue.

 

La voiture que Vania a empruntée à sa famille file dans le noir. La route lisse s'engouffre dans les phares, quelques arbres apparaissent furtivement. Nous sommes sur une petite route qui serpente entre des collines.

Nous descendons vers le sud, mais nous ne savons pas vraiment où nous allons. Nous avions seulement besoin de prendre un peu l'air, de nous éloigner de la ville.

Nous avons roulé toute la nuit, conduisant à tour de rôle. Sauf que, depuis l'instant où Vania m'a passé le volant, quelques heures auparavant, je ne l'ai plus lâché.

Mais il va bien falloir s'arrêter.

Depuis peu de temps la lumière s'intensifie. Le ciel passe lentement du noir à un gris sombre, avec une zone que je vois légèrement jaunie sur l'horizon, bien que la route soit assez encaissée.

Un peu plus tard, en tournant au-dessus d'une petite colline, ça se dégage sur la gauche. Le soleil semble tout proche, on dirait qu'il commence à brûler le ventre des quelques nuages qui traînent encore.

Vania baille, j'avise un petit terre-plein qui surplombe la vallée, face au soleil prêt à se lever. Je saisis l'occasion et nous nous arrêtons en dérapant légèrement sur les gravillons.

 

D'abord l'arrêt, un dernier sursaut quand le véhicule stoppe définitivement. Déjà c'est grand. Habitués à des secousses incessantes depuis presque huit heures, nos corps s'enfoncent dans les fauteuils, se détendent complètement.

Puis je coupe le contact. Et là, c'est le silence qui part à l'assaut de nos oreilles. Nos pauvres oreilles, soumises depuis trop longtemps aux grondements du moteur, aux frottements des pneus sur le bitume, au souffle furieux du vent.

À force de silence, un sifflement aigu et lointain reste dans l'air.

Et nos corps qui n'en reviennent toujours pas de pouvoir autant se relâcher.

Nous restons immobiles, essoufflés, à regarder la vallée qui s'étale devant nous, puis se poursuit en sinuant entre deux massifs.

Le soleil perce enfin l'horizon.

 

Dehors l'air est frais mais pas froid. Je suis d'abord sorti juste pour me dégourdir les jambes, puis suis rentré faire un rapport à Vania. Elle ne veut pas sortir, elle préfère rester assise, à moitié endormie. Alors je ressors, je veux regarder un peu le coin, je n'ai aucune idée de l’endroit où nous sommes.

Hermès, lui, pourrait le savoir, s'il regardait.

Je m'avance jusqu'au bord du terre-plein. Les broussailles commencent tout de suite, un petit rebord, et ça s'enfonce vers la vallée. C'est assez raide.

Quelques oiseaux s'éveillent, d'autres doivent aller se coucher. Sur les champs et les prairies, une légère brume s'élève. Il y a de la rosée partout : d'avoir à peine marché dans les herbes folles, mes chaussures sont trempées.

Un peu plus bas, au bord de la rivière, il y a un village, son église et son château en ruine. J'imagine aussi, immédiatement, le boulanger qui vient de sortir des croissants tout chauds et le troquet sympa où l'on pourra les dévorer devant un café.

Je repars vers la voiture, monte et démarre. Je demande à peine son avis à Vania, je sais qu'elle sera d'accord, voire très motivée.

 

« Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes…

- Oui, pour une fois tu as bien raison, Johnny, mon chéri. Tout est parfait… »

C'est agréable de discuter autour d'un café avec une femme heureuse. Le boulanger venait de remonter les croissants quand nous sommes passés, et il paraît que le chocolat au lait est excellent.

La salle est petite, chaleureuse. Dans le matin frais, les baies vitrées sont embuées par les souffles déjà alcoolisés des premiers clients. Ça donne l'impression d'un petit cocon qu'on aura du mal à quitter.

Ça parle, ça discute, se hèle en entrant, avec des accolades démonstratives. Des « putains », des « nom de dieu » et des « ben mon cochon » fusent de temps en temps.

Et un « foutus extraterrestres » que j'entends nettement se détacher.

Je tends l'oreille, et Vania m'imite, se demandant ce qui m'arrive, pourquoi je suis soudain aussi attentif…

« Eh les gars, Marcel, t'as vu ? Y'a un commandant de l'aviation qui dit qu'il en a vu, des extraterrestres ! Alors tu vas pas encore me dire que je suis fou… C'est pas fou un commandant de l'aviation… C'est pas au bistrot dès le matin comme vous tous !

- Et comme toi, Jean-Jean ! » Répond un gars d'au moins trois mètres de haut sur deux de large.

« Oui, mais moi j'ai des excuses… C'est parce que vous vous foutez toujours tous de ma gueule ! »

Tout le monde se marre, y compris le Jean-Jean, qui ne doit pas être aussi malheureux qu'il le laisse supposer.

Nous nous regardons, Vania et moi. Nous éclatons immédiatement de rire dans le brouhaha général, mais ça ne se remarque pas.

Cette histoire d'extraterrestres nous poursuit. Jusque dans un village tellement paumé qu'on n'a même pas vu de nom à l'entrée.

Et c'est tout proche. J'ai l'impression que mes confrères terriens refusent effectivement d'admettre l'évidence, mais c'est vrai qu'elle est là, souvent des articles dans les journaux, des débats, des films et des téléfilms. Le sujet est partout.

 

Quand nous avons réussi, difficilement, à sortir du troquet, nous sommes remontés vers le parking, devant le château. Vu d'ici, il a moins l’air d’une ruine, il semble même en cours de rénovation.

Le soleil commence à réchauffer l'air, et ce château est comme une invitation à la balade digestive. Après une demi-douzaine de croissants, c'est exactement ce qu'il nous faut.

Pendant que nous remontons le parking, puis l'allée, nous entendons un gars qui joue des percussions. Un djembé, seul. Ça ajoute à l'ambiance suspendue, irréelle, qui nous enveloppe depuis hier au soir.

Au début je ne veux pas y croire, mais ça semble bien provenir de l'intérieur du château. Nous traversons comme nous le pouvons les échafaudages et les portes en bois, dont aucune n'est fermée.

À l'intérieur, nous trouvons un gars en salopette, longue barbe et cheveux blonds, une casquette posée dessus. Il continue de jouer pendant que nous nous approchons.

Une rencontre, une coïncidence, de celles qui vous propulsent dans un état de plénitude rare. En avançant vers le gars, au milieu du château, je suis comme un magicien sans peur, sûr du bien-fondé de ma démarche.

Quand nous sommes devant lui, le gars lève d'abord la tête, lentement, et, un peu plus tard, arrête de jouer. La cour du petit château résonne encore quelques secondes.

« Bonjour, lance Vania.

- Bonjour, répond le gars, poli mais pas très enthousiaste.

- Euh… Vous travaillez ici ?

- Oui… Je fais le gardien, entre autres… Nous sommes en train de rénover le château.

- Ah il est chouette ! On peut visiter ?

- Ouais, si vous voulez… Ne cassez rien… Et faites attention, y'a quelques endroits dangereux. Tenez, par exemple, évitez d'aller vous trimballer sur les échafaudages, là-haut… »

Il désigne une vague construction en bois, qui monte jusqu'aux remparts, de l'autre côté de la cour. Nous regardons la chose en comprenant parfaitement qu'il vaut mieux ne pas y mettre un pied.

« Le reste ça va… Vous pouvez partir vers la tour, là-derrière. C'est pratiquement fini, c'est chouette… »

Un couloir en pierre et un escalier se devinent sur notre gauche. Nous le remercions, parlons un peu musique : « Ça sonne bien dans cette cour. » Puis nous saluons et partons vers l'escalier tandis qu'il recommence à jouer.

 

Plus nous montons, plus notre exaltation grandit.

Au début ce n'est qu'un château en rénovation, avec du ciment et des câbles électriques gros comme mon bras qui traînent partout.

Au premier étage, c'est déjà mieux. Il y a une petite pièce claire, dans laquelle les travaux se font discrets. Et d'autres pièces, que nous visitons une à une. Nous jouons à nous appeler, à passer les lourdes portes de bois avec des airs de comploteurs…

Au deuxième étage, c'est carrément magnifique, l'ensemble est fini. Un mélange d'ancien rénové et de techniques modernes. Des lumières exceptionnelles, rasant les murs en pierres brutes, presque blancs, nettoyés, éclatants.

Et ça monte encore, ça devient étroit. Nous continuons tout de même, par curiosité.

C'est une petite tour de guet, avec une esplanade minuscule, à peine deux mètres sur trois. Et une vue magnifique sur la vallée, jusqu'à l'horizon.

Et toujours les percussions qui montent de la cour centrale, comme pour rappeler que nous sommes au vingt et unième siècle. L'humanité est mondiale.

Je pose mes mains sur la pierre du parapet. Je la palpe. J'essaie d'imaginer que, dans un lointain passé, d'autres personnes ont posé leur main ici. J'essaie de ressentir, de faire parler la pierre.

Je décide de partager le délire avec Vania, je lui invente une histoire de prince charmant qui vient de l'amener au sommet de son château…

« Tu es trop romantique, Johnny… »

Non je ne suis pas que romantique, il y a quelque chose derrière, il y a la présence de l'histoire.

Il y a la conscience d'où nous en sommes, de ce qu'ont vécu nos ancêtres. L'humanité avance, se développe, nous sommes au sommet de la vague.

« Là, tu deviens prise de tête… »

Faudrait savoir… Mais le monde est ainsi fait, mon cerveau est ainsi fait.

 

« Tous ces gens, derrière nous, ils existent. Et les exo-terriens, ils existent aussi. Il faut bien se situer, là, au milieu. Comprendre ce qu'on fait là, comment ça a avancé. »

« Il faut comprendre que tout ce qui fait notre monde, celui que nous avons bâti, tous, certains plus que d'autres, est extrêmement récent, fragile. »

« Il y a cent mille ans, les premiers homo-sapiens foulaient une terre vivante depuis déjà deux millions de millénaires. Il y a plus de dix mille ans, des sociétés commençaient à dépasser l'organisation des tribus. »

« Et il y a un peu plus de cinquante ans qu'on a inventé l'économie de marché… »

« Je veux dire… Nous sommes dans une évolution, une construction, on avance. Nous ne sommes pas arrivés. Les lois que nous appliquons aujourd'hui, les croyances, sont issues du passé, et peuvent être dépassées. Il y a l'évolution génétique des corps, et l'évolution psychologique des sociétés. »

« Tout ce que nous voyons là est vrai : cette rivière qui coule au fond de la vallée, qui a érodé les montagnes depuis des millénaires et des millénaires. Sur l'échelle du temps, ça nous dépasse totalement. Les pierres, elles ne se rendent même pas compte que nous sommes là, nous passons sur elles en un éclair. Notre vie entière n'est qu'une étincelle fugitive à l'échelle géologique. »

« Mais toutes les lois qui gouvernent notre monde, dont la plus pesante est certainement cette sacrée "loi du marché", sont des inventions humaines. Je ne voudrais plus jamais entendre personne dire "Le monde est comme ça" à propos d'économie. Non. Ce qui "est comme ça", c'est que la rivière coule et que l'humanité évolue, tout le reste a été inventé, construit, parfois dans un but incertain... »

 

Vania regarde la rivière couler, lève la tête face au vent pour qu'il soulève ses cheveux.

« Toi et moi savons cela, Johnny. Et peut-être quelques autres, mais certainement pas beaucoup…

- Oui, mais je ne comprends pas pourquoi… Tout est là devant nous. Ce que je viens de te dire ne m'a pas été soufflé par Hermès, c'est en arrivant ici, en voyant ce château et la nature, que j'y ai pensé.

- Mais tu n'aurais certainement pas eu cette vision si les rencontres avec Hermès ne t'avaient pas d'abord ouvert l'esprit. »

Je n'en reviens pas. Elle est plus fanatique que moi, maintenant. Hermès avait raison, elle est amoureuse. Je sens une pointe de jalousie chatouiller mon ventricule gauche.

J'ai envie de la contredire, de prétendre que mes idées ne doivent rien à Hermès. Mais, d'un autre côté, ça serait peut-être un peu malhonnête.

Au fond, elle n'a pas tort.

« Oui, peut-être… N'empêche que c'est accessible.

- Comme il nous a expliqué que les preuves de leur existence sont tout à fait accessibles. Elles sont patentes. Ce qu'il y a, c'est que nous vivons dans un environnement psychologique, dans la bulle psycho-sociologique de notre planète.

- Là c'est toi qui parles totalement comme Hermès, laisse-moi te le dire…

- Oui, certainement… Mais il se trouve que ce qu'il dit me touche beaucoup, je trouve que c'est très juste. Et, tu sais, ce n'est pas très loin de ce que j'étudie en ethnopsychologie, l'interaction entre la psychologie des individus et la psychologie d'un être global qui serait la société…

- Ouais, peut-être… Je ne sais pas, je n'ai pas fait d'études, moi…

- Je sais… C'est peut-être pour ça que je ne peux m'empêcher d'aimer Hermès… »

Elle en rajoute ma parole !

« Je ne vois pas le rapport… C'est pas parce que j'ai pas fait d'études que tu devrais aimer Hermès… »

Silence en face. Puis elle reprend, détourne habilement la conversation.

« En tout cas, j'ai envie de continuer dans cette voie. Je crois que ces concepts ont beaucoup d'avenir. La psychologie en général ne peut que se développer… Et puis comme ça, je pourrai peut-être faire changer la planète… Comme tu le souhaites tant… »

Elle me sourit en faisant une mimique entre le clin d'œil et le frétillement stupide.

« Ah parce que pour ça, tu ne suivrais pas ce que conseille Hermès : ne rien faire…

- Je ne crois pas qu'il ait voulu dire exactement ça. Il ne veut pas créer de heurts… Mais il est tout de même évident que leur but est, à terme, d'intégrer l'humanité terrestre dans la société des humanités galactiques.

- Il m'a bien conseillé de ne pas essayer de changer les choses ? Non ? J'ai mal entendu ?

- Oui, il t'a dit ça parce que tu voudrais tout faire tout de suite… Tu risquerais justement de provoquer un traumatisme. Ce dont je te parle, la psychologie, est plus lent. Déjà il faut que je finisse mes études, puis que je trouve un sujet intéressant, et finalement que j'arrive à trouver une idée assez géniale pour que ça ait un retentissement quelconque, même modeste. Alors tu vois, il s'en passera du temps… Et je n'y arriverai même probablement jamais…

- Moi, je n'avais rien proposé de concret à Hermès. J'avais juste demandé si on pouvait faire quelque chose…

- Mais enfin Johnny bien sûr ! Tu demandes si on peut faire quelque chose maintenant ! Non, maintenant il n'y a rien à faire, il suffit d'attendre en regardant comment ça évolue.

- Je ne suis pas d'accord, les choses doivent être dites. Et en ce moment il y a plein de choses à dire… Tu disais que la rencontre d'Hermès a "ouvert" mon esprit. Eh bien voilà, maintenant il est ouvert, je vois les choses différemment. Je suis un humain de la Terre, et j'ai envie de partager ce que je vois avec mes "frères planètaires". Qui peut m'en empêcher ? Comment pourrait-ce être mal ? Et, par-dessus tout, comment voudrais-tu que les choses changent si personne ne dit rien ? »

Je me suis un peu énervé en parlant. Probablement le mélange de la jalousie et de la joie d'avoir trouvé un argumentaire cohérent, du moins il me semble.

Vania a reculé, elle est maintenant accoudée au rebord du rempart, presque penchée en arrière. Elle me regarde avec des yeux étonnés, un peu craintifs. Je crois qu'elle n'avait jamais porté un tel regard sur moi.

Puis elle se ressaisit, décide de faire face. Elle sait que je ne suis pas d'une nature violente.

« Et que voudrais-tu leur dire, aux gens ? Toi qui es si malin…

- Ne le prends pas comme ça, Vania, s'il te plaît… Je ne me trouve pas "si malin", je dis juste qu'on doit essayer d'agir… C'est ce que j'ai déjà dit à Hermès, ni plus ni moins. Et en plus tu sais bien que ce n'est pas mon fort, l'action…

- Oui, ça je sais…

- Oh ça va, si tu veux absolument être désagréable…

- C'est rien… C'est juste que tu m'énerves un peu des fois…

- Et que tu brûles d'amour pour Hermès… Mais tu sais, je crois qu'il faudrait que tu oublies, il n'est pas terrien…

- Et alors ? Il n'a jamais dit que ce n'était pas possible…

- Ben plus ou moins quand même, si... Il a dit qu'il te "gouroutisait", je pense que ça lui interdirait de t'aimer, ce ne serait pas sain… »

Nous avons encore profité quelques instants de la vue, puis nous sommes redescendus.

Nous avons décidé de passer voir la mer avant de remonter vers la capitale.

 

« Oui, Vania, effectivement, la seule chose qui m'intéresse c'est de penser. C'est découvrir, inventer… L'aventure quoi… Bien sûr qu'il y a plein de choses dont je n'ai rien à faire ! Comprends-tu, que je sois en train de faire des courses, au cinéma, dans une foire, n'importe où, mon occupation principale est de regarder ce qui m'entoure et d'y penser. Ce qui m'intéresse, dans la vie, c'est de me balader comme ça, avec un amour, dans le monde, de vivre au jour le jour, et de penser, de délirer sur ce qu'on a sous les yeux. Ce n'est pas très drôle seul, mais avec toi, par exemple, je peux aussi parler, dire ce que je pense, et tu peux me répondre, commenter, rigoler ou contredire, ça fait avancer la pensée…

- Peut-être, Johnny, c'est très bien. Mais moi je te dis que j'ai besoin de quelqu'un qui agit aussi, quelquefois…

- Mais la pensée est une action… Quelle est cette drôle d'idée… Quelqu'un qui pense n'agit pas ? Mais si, Vania, j'agis, je crée des pensées, j'entrevois des possibilités… Tout ce qui est pensé existe. Maintenant, si, en plus, ce que je pense pouvait avoir une action concrète dans la société humaine, je serais le plus heureux des hommes… Mais ça ne s'est pas encore présenté… »

 

« Et alors, Johnny, qu'est-ce que tu comptes faire ? Qu'est-ce que tu voudrais faire changer dans la société ?

- Je ne sais pas, Vania… Franchement je ne sais pas… Mais je sais ce qui va mal. Je sais, je le vois, que nous sommes dans une société qui privilégie le combat par rapport à l'entraide, la compétition par rapport à la coopération. Et je sais que le poids des sociétés modernes est énorme. Par l'intermédiaire des médias et des études sur la psychologie, nous sommes littéralement manipulés, anesthésiés, morphinisés… Nous sommes gavés de rêves de consommation qui nous évitent de penser par nous-mêmes. Nous sommes leurrés par l'image d'une démocratie alors que notre seul pouvoir est d'exercer un choix livré à la dextérité des conseillers en communication. Et je sais aussi qu'il y a un gros malaise là-dessous parce que ces gens utilisent des techniques qui sont très peu connues du grand public. C'est un peu comme les extraterrestres, pour beaucoup ça reste du n'importe quoi… Alors je pense qu'avec tout ça il doit y avoir des trucs à faire…

- Eh bien je te sens mal parti. Tu vas te fatiguer inutilement à vouloir changer le monde tout seul… Tu n'es pas Jésus…

- Ouais… Et toi, qu'est-ce que tu voudrais faire ?

- Moi, je vais sagement attendre… Je vais poursuivre mes études, et continuer de voir Hermès de temps en temps. Peut-être que, plus tard, je ferai des découvertes qui rapprocheront un tout petit peu l’humanité de la galaxie, peut-être… Mais, honnêtement, je ne vois pas ce qu'il y a d’autre à faire, et, du coup, je ne vois absolument pas en quoi ma vie devrait changer. »