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Lire > Chapitre 26 :

26.

Peu de temps après notre escapade, j'ai sacrifié la moitié de mon micro-champ pour me payer un billet aller-retour, départ le plus tôt possible, destination selon disponibilités.

Ce n'est pas que la vie avec Vania fut désagréable. Après nos petits accrochages en haut de la tour, elle a fait beaucoup d'efforts pour se montrer aimable. On pourrait même dire que notre relation était redevenue assez passionnée.

Mais je ne pouvais pas rester en place. D'une part ce qu'elle m'avait dit là-haut m'avait profondément blessé, d'autre part, et pour une fois, il fallait absolument que je fasse quelque chose. À force de rester inactif, en attendant le prochain passage d'Hermès, et avec Vania qui continuait sa vie comme si de rien n'était, j'avais l'impression de mourir à chaque seconde.

Un voyage pour m'aérer l'esprit, il me fallait bien ça.

J'ai essayé de me mettre à la politique… Mais ça n'a rien donné. Le problème est que je voudrais m'élever contre un consensus absolu dans notre société : il faut se battre, défendre ses intérêts face aux autres.

J'ai essayé les associations… Mais ça n'a rien donné non plus. Toujours cette affirmation sans queue ni tête : « Le monde est comme ça… » Et j'ai beau hurler, personne ne m'entend, on me prend pour un idéaliste irréaliste, un fou en quelque sorte.

Fou, je le suis peut-être, ou je le deviendrai, certainement, à rester comme ça, à tourner en rond.

Alors, quoi d'autre qu'un voyage ? Qu'est-ce qui aurait pu me faire plus de bien ?

 

C'est tombé sur l'Inde.

Bénarès pour être exact, après un bref passage par New Delhi. Puis direct vers Varanasi, en train.

Je suis assis sur les marches de Manikarnika Ghat, avec William, un touriste anglais rencontré en arrivant à l'hôtel. Autour de nous, la foule se déchaîne.

Les marches sont surpeuplées, des gens descendent, d'autres remontent. Des masseurs amateurs massacrent le dos des touristes en échange de quelques roupies. Des brochettes grillent sur des barbecues improvisés. Et les hindous se baignent dans les eaux douteuses du Gange.

C'est l'Inde. Il y a tout en même temps, la vie spirituelle et la vie quotidienne, les riches et les pauvres, la mort et la vie. Tout se mélange, et tout est sur la place publique, visible, à portée de regard et de conscience.

Un homme âgé passe, s'appuie sur mon épaule pour s'aider à monter. Au début, c'est étonnant, puis on s'y fait. On apprend à ne pas se formaliser du contact.

 

Quand je suis arrivé au dernier étage de l'hôtel, Will m'a interpellé. Un «  Hello my friend ! » lancé en l'air, pas tonitruant, seulement puissant, jovial. Plus tard je l'ai vu faire la même chose à tout bout de champ. C'est très efficace, d'autant qu'il a la carrure adaptée.

Le dernier étage ressemble à une fumerie d'opium, mais on n'y fume pas de l'opium, pas le plus souvent.

Une grande table trône au milieu de la pièce principale, autour il y a les dortoirs, de toutes tailles.

Le soir, la table est bondée. En journée c'est plus calme, mais il y a toujours quelqu'un à traîner, pas encore bien réveillé ou déjà harassé d'avoir parcouru la ville.

Nous avons discuté un peu, le temps qu'il émerge de sa sieste, puis il m'a proposé de me faire visiter les alentours.

Il m'a fait redescendre le petit sentier qui relie l'hôtel à la rue, zigzaguant entre les étals d'un marché. Puis, en prenant la rue à gauche, nous sommes arrivés au Ghat. Le trajet fut ponctué, comme il se doit, d'une douzaine de « Hello my friend ! » sonores.

Il m'a expliqué les rituels, la valeur symbolique du Gange. Puis il s'est tu, absorbé dans la contemplation du fleuve qui défile rapidement devant nous. Je vois bien que je ne suis pas sur la même longueur d'onde, pour moi ce n'est qu'un fleuve.

 

« Quand tu regardes le Gange couler, tu vois la vie s'écouler sur la terre. C'est un fleuve de vie… »

Oui, certainement, comme tous les fleuves, ça apporte de l'eau et ça draine des sédiments… Je le regarde l'air inspiré, pour ne pas le décevoir, mais il se met à rire et ajoute :

« Tu comprendras…

- Je comprendrai quoi ?

- Ce que je te dis… Tu comprendras… Peut-être ce soir, peut-être demain… Quand tu l'auras regardé assez longtemps…

- Tu es en plein trip mystique…

- Non, pas vraiment… Je viens seulement ici me ressourcer un peu, mais si tu me rencontrais dans mon pays, tu serais étonné. Je suis le plus souvent stressé, et je suis plus politique que mystique. »

Je le laisse donc regarder le Gange pour se "ressourcer", et j'essaie de m'y mettre. Mais j'ai du mal, les idées tournent dans ma tête.

« Dis-moi, il y a un truc qui m'étonne ici. Une chose à laquelle je n'aurais pas pensé avant de venir.

- Quoi ?

- Eh ben j'ai été étonné, déjà dans le train, par le regard noir des indiens. Un regard perçant, très sombre.

- Ce sont juste des gens qui te regardent, qui n'ont pas peur de te regarder.

- Comme ils n'ont pas peur de te pousser quand tu es sur leur chemin…

- Oui, exactement. Ils ont une attitude franche. En Europe, quand les gens se croisent sur les trottoirs, ils baissent les yeux, foncent, et espèrent que les autres se pousseront. Même sur un trottoir, nous nous battons.

- Et ici, ils ne se battent pas ?

- Si, bien sûr, la vie est beaucoup plus rude ici. Mais ils se battent en se regardant dans les yeux. Ils ont conscience d'être en face d'un autre être humain, d'un être pensant qui n'est animé, comme eux, que par le rêve d'être heureux. »

En parlant, il a gardé les yeux fixés sur le Gange. Quand il se tait, il reste dans la même position, comme si la conversation avait glissé sur lui sans laisser la moindre trace.

Quelques minutes plus tard, il semble se réveiller, se tourne brusquement vers moi :

« Bon, il va falloir penser à bouger pour la soirée… Tu as quelque chose de prévu ?

- Euh… Non. Je ne sais pas…

- Tu n'as qu'à venir avec moi… Je vais d'abord passer manger quelque chose dans le resto, un peu plus haut, celui que je t'ai montré en descendant.

- Ok, nickel. C'est parfait… De toute manière, je suis un peu comme toi, je suis venu ici juste pour me reposer, je n'ai absolument aucune contrainte. »

 

Au moment où nous sortons du restaurant, un gamin nous hèle.

« Hep, messieurs, vous voulez écouter de la musique traditionnelle ? »

Il agite une photocopie rose sous nos yeux. Je suis prêt à partir mais Will s'arrête, balance un « Hello my friend » mesuré, probablement adapté à l'âge du môme, et chope le papier.

« Eh bien voilà ce qu'il nous faut pour débuter la soirée. Johnny ! Suivons notre destin, allons voir de quoi ça a l'air… »

Pourquoi pas, je ne sais pas s'il s'agit d'un signe du destin ou d'un attrape-touristes, mais après tout je n'ai rien à perdre, mon billet de retour est en sécurité à l'hôtel.

Le gamin propose de nous guider jusqu'au lieu du concert, et il se met presque immédiatement à courir dans les ruelles étroites de la vieille ville, pour nous éviter une mûre réflexion.

Quand il voit que nous le suivons, il ralentit le pas et nous attend ensuite à chaque bifurcation.

« Alors, en temps normal, tu fais de la politique ?

- Non, pas tout à fait… Je t'ai dit que je suis plus politique que mystique… Mais je ne suis pas non plus un vrai politicien…

- Ah… C'est quoi alors, ta politique ?

- Je suis assez actif dans des associations altermondialistes…

- Ah oui ? Cool… Et vous faites quoi, exactement ?

- Tu ne sais pas ce qu'est l'altermondialisme ?

- Si, si… Vaguement… M'enfin pour moi ça reste du domaine des idées, je ne sais pas en quoi ça consiste concrètement… »

Tout en marchant, il m'explique en quoi ça consiste, il cite quelques exemples d'actions. Il n'y a effectivement rien de très concret, des manifestations pour s'opposer et quelques colloques pour essayer de trouver une autre voie.

Puis il se tait et nous nous concentrons tous deux sur le chemin. Le môme marche à toute vitesse, se faufile dans les ruelles qu'il doit connaître par cœur.

Enfin il s'arrête, nous montre une vielle porte ouverte sur un escalier pentu et tend la main pour recevoir son dû.

En escaladant les escaliers, Will reprend la conversation.

« Et toi, que fais-tu quand tu n'es pas en vacances ?

- Je discute avec des extraterrestres, enfin, avec un extraterrestre…

- Te fous pas de moi… De quoi parles-tu ?

- Je me fous pas de toi, j'ai rencontré un extraterrestre il y a quelque temps, et depuis je le vois régulièrement… D'habitude je n'en parle pas, mais toi, tu es assez barjo pour me croire, et puis ce que tu dis m'intéresse, il peut y avoir un lien…

- Alors là, il va te falloir être très convaincant pour que je te croie…

- Je n'ai pas à être convaincant… Quand tu me dis qu'en regardant le Gange on voit la vie couler, je te crois… Alors tu pourrais faire pareil… De mon côté, je te certifie que c'est vrai. »

Nous entrons dans une petite salle sans mobilier. Il n'y a que quelques coussins sur lesquels sont assis trois musiciens, et, en face, quelques nattes étendues sur le sol, pour le public. Deux jeunes femmes sont déjà installées. Un couple arrive encore après nous.

Le concert ne dure qu'une petite heure. Les deux femmes qui étaient là à notre arrivée ont roulé joint sur joint et les ont aimablement fait tourner dans la salle. Les musiciens ne semblaient pas s'en soucier, mais le couple a dû rapidement quitter la salle, complètement défoncé.

Will et moi sommes aux anges. Nous félicitons chaleureusement les musiciens pour la qualité de leur musique et les deux jeunes femmes, anglaises comme Will, pour la qualité de leur tabac.

Puis nous nous retrouvons tous dans la petite ruelle, à nous demander ce que nous allons faire pour finir la soirée.

 

Ce sont les filles qui ont proposé de descendre chez des amis, un peu plus au sud, au bord du Gange, dans un guesthouse qu'elles nous avaient promis magnifique.

Magnifique, c'est le mot juste. Pas vraiment les chambres, elles sont quelconques, mais la terrasse à elle seule justifie le qualificatif. On dirait les ruines d'un ancien palais envahi par la végétation, surplombant les eaux jaunes du Gange. Les vieilles pierres sont fissurées, disjointes, écartelées par la verdure.

Il y a en particulier deux petits promontoires, d'à peu près trois mètres de diamètre, qui sont presque au bord du Gange. Nous sommes tous les quatre assis en rond sur l'un d'eux. Les filles sont en train de préparer un shilom, Will suit l'opération avec attention.

 

Un peu plus tard, Will nous parle avec verve de libéralisme et d'antilibéralisme. Les filles l'écoutent religieusement.

Par certains côtés son discours me rappelle celui de Raïmana, sur le bateau.

« Moi je te le dis, Will, ce qu'il faudrait maintenant, c'est organiser des manifestations mondiales "Vous vous foutez de notre gueule ?". "V.V.F.N.G.?", en abrégé. Ou "Arrêtez de vous foutre de notre gueule", "A.V.F.N.G."…

- Qu'est-ce que tu délires, Johnny ?

- Ben oui… Je crois que ce que tu dis est vrai, nous vivons dans un système qui est plus oligarchique que démocratique. Mais au niveau mondial, pas au niveau des pays… Alors ce qu'il faudrait faire, c'est une manifestation globale contre ce système, réclamer une information claire, qu'on ouvre tous les dossiers secrets, qu'on mette tout sur la place publique. Alors oui, on sera en démocratie. Il faut dire "Arrêtez de nous manipuler, arrêtez de nous prendre pour des moutons". Nous sommes des êtres humains, quoi… Des fois, quand je vois comment le monde tourne, j'ai l'impression que nous ne sommes que des esclaves.

- C'est bien ce contre quoi je me bats, Johnny… La mondialisation libérale…

- Non, pas tout à fait, je ne crois pas… Ce dont je parle, moi, c'est d'un système qui a été construit pièce par pièce depuis très longtemps. Ce qu'il faut comprendre c'est que les lois du monde ont souvent été édictées pour servir les intérêts d'un petit nombre, non l'intérêt de tout le monde…

- Ou dans l'intérêt du pays, intervient Kirsten, étonnamment patriotique.

- Certes… Mais c'est quoi l'intérêt du pays ? L'intérêt d'une de ses grandes entreprises ? C'est l'intérêt de l'entreprise alors. Dire que c'est bon pour le pays, c'est autre chose… Il faudrait voir… Mais le plus souvent on ne nous en laisse pas l'occasion, on nous dit que c'est bien et puis voilà, on n'a qu'à le croire…

- Oui d'accord, reprend Will. Je suis bien d'accord avec toi, mais la mondialisation libérale c'est bien là qu'on en est arrivé…

- Oui, c'est là que nous a mené la logique du système. Je me suis toujours demandé comment on en est arrivé là… C'est une dérive, indéniablement…

- Bien sûr, ça a dérivé. Le libéralisme dérive vers la concentration des capitaux, parce que, forcément, un gros capital est plus fort qu'un petit capital. Et en plus c'est le gros capital qui fait les lois… Le libéralisme dérive vers l'égocentrisme, l'égoïsme, parce que derrière « chacun est libre », il y a « chacun pour soi »…

- Et finalement il a dérivé parce qu'il a édicté en lois sacrées de modestes règles humaines. La loi du marché est devenue un dogme, beaucoup finissent par oublier que ce n'est qu'un système, une idéologie, et beaucoup finissent aussi par oublier qu'il y a d'autres lois, plus absolues…

- Comme les lois de la nature, ajoute Sonia.

- Ou comme l'humanisme, réponds-je en m'étendant sur le dos.

- Comme l'humanisme ?

- Oui, comme l'humanisme… »

Les nuages sont épars, au-dessus de Bénarès, mais on ne voit pas bien les étoiles. Avant de continuer, j'attends qu'un gros nuage se pousse légèrement pour dégager une étoile qu'on entrevoit à sa bordure.

Je veux voir une étoile. J'ai besoin du support d'une étoile, d'être touché directement par son trait de lumière.

« L'altermondialisme est une critique, il critique la vision purement économique, compétitive qui s'est généralisée, qui est comme une évidence virtuelle. Mais il lui manque la dimension humaniste. L'altermondialisme est la critique, l'humanisme est la réponse, le projet, l'avenir. En fait le libéralisme souffre du même mal que le communisme : pour fonctionner correctement il lui manque la dimension humaine, il manque qu'on y ajoute "ça ne marchera que si chacun se respecte et s'entraide". Idéalement, l'avenir qu'il nous promet est magnifique : en stimulant, par la compétition, l'énergie créatrice de tout le monde, nous vivrons dans un monde en perpétuelle croissance. C'est le mouvement perpétuel… Mais, dans la pratique, ça suppose déjà que tout le monde respecte des règles non dites, implicites, qui sont le respect de chacun, le respect de l'humanité. C'est toujours le problème avec la compétition. Par exemple, dans le sport, il a fallu ajouter "l'important c'est de participer", pour contrecarrer le côté inhumain de la compétition. On a inventé l'esprit sportif, en gros ne pas mépriser le vaincu. Mais il n'y a rien de tel dans l'économie, il n'y a plus que la triste loi du marché…

- Ça me semble assez juste… Et je ne l'avais jamais vu sous cet angle…

- Ben moi non plus, pas avant d'en parler avec Hermès…

- Qui est-ce ?

- L'extraterrestre dont je t'ai parlé tout à l'heure… »

Les deux filles, qui n'ont pas encore entendu parler de ça, roulent des yeux ronds d'étonnement. Will semble un peu gêné, comme si, d'un coup, la conversation prenait une tournure moins valorisante. Trimballer un mongol, ça casse un peu son charme.

« Ah, tu n'as pas lâché cette idée… Je croyais que tu blaguais, que c'était juste pour m'étonner…

- Non, pas du tout… Je sais que vous aurez du mal à me croire, mais c'est comme ça…

- Mais je ne vois pas le rapport avec ce que nous disions… Ce sont des problèmes plutôt terrestres.

- Le rapport, c'est l'humanisme… Vous êtes-vous demandé ce que nous serons dans 500 ans, dans 1000 ans ? La théorie économique d'accord, mais que projette-t-elle ? Si on essaie d'imaginer comment nous évoluerons, on ne peut envisager que deux avenirs : soit le progrès stoppe, et nous régressons vers un état proche du Moyen Âge pour nous reconstruire ensuite, soit nous évoluons vers un monde plus juste, plus humain. Comment l'humanité a-t-elle évolué jusqu'à maintenant ? Comment décririez-vous le monde d'aujourd'hui par rapport au monde d'il y a mille ans ? Il est plus sûr, plus juste, la loi du plus fort n'est plus la seule à jouer, il est plus humain en somme. Donc il est naturel de penser que l'avenir sera plus humain, que l'humanisme est la seule voie d'évolution. Alors voilà, le lien avec les extraterrestres, c'est ce dont j'ai eu la preuve en voyant Hermès. Oui, l'avenir est à une conception plus humaniste de la société… »

Je n'insiste pas, ça semble tomber à plat. Les filles baillent et ne tardent pas à annoncer qu'elles vont se coucher.

Will reste un instant, puis, n'y tenant plus, décide d'aller les rejoindre. Je reste sur la terrasse.

 

Je regarde le Gange dans la nuit. J'essaie de suivre les tourbillons qui se perdent dans l'obscurité en dessinant des arabesques folles. La surface n'est pas plate, elle a un volume, une forme, comme si l'eau était plus dense ici qu'ailleurs. Je la regarde couler, passer devant moi comme un serpent, pour aller se répandre sur la terre plus au Sud. Un serpent de vie.

Will avait donc raison, le Gange n'est pas un fleuve comme les autres. Il est la vie. Voir couler le Gange c'est voir le souffle de vie qui anime la Terre.

Comme pour me le confirmer, un chien hurle dans le lointain, en amont. Puis un autre, un peu plus près. Je souris, je me dis que je suis dans le vrai. Mais ça continue, un autre hurlement, plus proche, un autre, encore un autre. On dirait que tous les chiens de Bénarès sont en train de se précipiter sur les rives du fleuve pour hurler à son passage. Quelque chose doit les faire réagir.

Les aboiements font penser à un déferlement continu qui vient de l'amont et va bientôt arriver sur moi. Un chien tout proche relaie celui qui vient de se taire un peu plus haut. Je scrute le fleuve en pensant voir un bateau, ou une charogne, quelque chose. Mais je ne vois rien. Puis c'est un autre chien qui reprend, plus bas, en aval.

J'ai réellement l'impression que quelque chose est passé devant moi, mais je n'ai rien vu, probablement une des entités de la mythologie hindoue en balade nocturne.

Empli par cette expérience mystique, je m'endors sur la terrasse.