Dans les bas-fonds
J’aurais eu besoin de toi, que tu me soutiennes, de ta force… Mais tu étais aussi vide que moi, toujours absent, même au téléphone, et dans les lettres que tu ne m’as pas écrites pour m’encourager, trop préoccupé par ton propre désespoir, à souffrir de ton côté, pour toi tout seul, jalousement. J’ai traversé le désert, un désert sans âme et sans espoir, attendant de toi un signe d’amour, de tendresse, mais les mots sonnaient creux, manquaient de chaleur, de profondeur - une immense plaine dévastée, voilà ce que tu étais devenu, et moi un désert humain, mon esprit sans cesse cherchant à atteindre l’horizon, espérant un point, une chute, un obstacle pour s’accrocher… Mais rien. Rien que mon âme qui retombait toujours plus durement sur les bases chancelantes de notre amour, toujours plus bas, plus bas, et toi qui ne répondais plus à mes silences, tu te faisais l’écho de ce désespoir qui grandissait en moi, se nourrissait de moi et, sans le savoir, tu t’abreuvais à ma souffrance, tu te berçais du tourbillon qui m’emportait vers le fond. Quand je l’ai atteint, tu cherchais encore à te nourrir à mon désespoir. Je n’ai jamais autant haï les hommes qu’à ce moment-là, où tu m’appelais pour me faire une nouvelle démonstration de vide. À être dans la tête des gens, je voudrais n’être plus nulle part, nulle part au monde, nulle part sur terre, simplement n’être rien, rien même pas le vide, et surtout pas le vide. Ce soir je sais que le téléphone ne sonnera pas par amour, juste par désespoir, parce que tu étais trop seul ; je tends les bras et ouvre mon cœur. Tu t’essuies les pieds, entres puis ressors en claquant la porte. On ne passe plus rien ensemble, même pas de silences, rien que des mots qui n’ont pas l’ombre d’un sens, rien que du vide.
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