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Myriam Marc Chapitre I - Appendre à mourir Chapitre II - Errances Chapitre III - Mourir, une fois de plus Chapitre IV - Plus froid que la mort Chapitre V - Les forces souterraines Chapitre VI - Les tunnels du souvenir Chapitre VII - Tout est à commencer

Chapitre IV - Plus froid que la mort

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Dans les bas-fonds

 

J’aurais eu besoin de toi, que tu me soutiennes, de ta force… Mais tu étais aussi vide que moi, toujours absent, même au téléphone, et dans les lettres que tu ne m’as pas écrites pour m’encourager, trop préoccupé par ton propre désespoir, à souffrir de ton côté, pour toi tout seul, jalousement.

J’ai traversé le désert, un désert sans âme et sans espoir, attendant de toi un signe d’amour, de tendresse, mais les mots sonnaient creux, manquaient de chaleur, de profondeur - une immense plaine dévastée, voilà ce que tu étais devenu, et moi un désert humain, mon esprit sans cesse cherchant à atteindre l’horizon, espérant un point, une chute, un obstacle pour s’accrocher… Mais rien.

Rien que mon âme qui retombait toujours plus durement sur les bases chancelantes de notre amour, toujours plus bas, plus bas, et toi qui ne répondais plus à mes silences, tu te faisais l’écho de ce désespoir qui grandissait en moi, se nourrissait de moi et, sans le savoir, tu t’abreuvais à ma souffrance, tu te berçais du tourbillon qui m’emportait vers le fond. Quand je l’ai atteint, tu cherchais encore à te nourrir à mon désespoir. Je n’ai jamais autant haï les hommes qu’à ce moment-là, où tu m’appelais pour me faire une nouvelle démonstration de vide. À être dans la tête des gens, je voudrais n’être plus nulle part, nulle part au monde, nulle part sur terre, simplement n’être rien, rien même pas le vide, et surtout pas le vide.

Ce soir je sais que le téléphone ne sonnera pas par amour, juste par désespoir, parce que tu étais trop seul ; je tends les bras et ouvre mon cœur. Tu t’essuies les pieds, entres puis ressors en claquant la porte. On ne passe plus rien ensemble, même pas de silences, rien que des mots qui n’ont pas l’ombre d’un sens, rien que du vide.

 

dessin : Ours polaire
La phrase "Vollkommen allein kann nur ein echter Eisbär sein" est extraite d'une reprise du titre "Eisbär" de Grauzone*. Elle dit : "Seul un véritable ours polaire peut être parfaitement seul". Pour moi, elle décrit un état d'esprit dans lequel l'isolement a fait de l'être humain un animal. C'est un isolement volontaire et nécessaire pour se protéger - un animal blessé par les hommes ne veut plus les cotoyer. La vie dans l'isolement est froide et triste. C'est en quelque sorte le pôle nord de l'existence.

*Grauzone est l'ancien groupe de Stefan Eicher. Le morceau a été repris par de nombreux groupes. Cette phrase est extraite de la reprise faite par Iglu.

 

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