La gare
À chaque station c’est la même chose. Combien de cœurs qui se déchirent au coup de sifflet fatal ? La séparation est brutale : En quelques secondes, le visage s’éloigne pour disparaître soudain comme s’il n’avait jamais existé… Mais tout d’abord, premier choc, première blessure de l’âme : Le claquement sec des portes, qui refuseront désormais de s’ouvrir, le cœur qui bondit et s’affole, ne voulant pas y croire, refusant d’accepter cet affront de la matière… Des yeux inquiets se tournent alors vers la fenêtre, cherchent à transpercer la vitre, aperçoivent le sourire – qu’ils n’oublieront jamais – mais déjà il est trop tard, doucement l’écart se creuse… Les yeux s’emplissent de larmes, comme pour nettoyer ces vitres trop sales. Le piège s’est refermé. Commence alors le long cheminement, au cours duquel il faudra se résigner. Les paysages défilent au rythme de l’infatigable machine infernale, images par milliers que l’on ne cesse d’oublier, tout comme ces voyageurs qui vous disent « au revoir », sachant que jamais l’on ne se reverra… Puis vient la nuit qui, brusquement, vous enferme dans le compartiment. Sur la vitre, votre seul reflet. Le monde s’est effacé, il n’y a plus que ce double qui vous poursuit, qui vous renvoie l’image d’un compartiment vide – vide dont vous faites partie – et l’esprit aveuglé d’images se retrouve alors face à lui-même, face à sa peur : C’est le gouffre. Le sourire flotte toujours quelque part, sur un autre quai déserté, là où personne ne m’attend, et où pourtant je serai à l’heure. | ||
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