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Publication le 2009-12-02 08:47:58

Mis à jour le 2009-12-02 08:49:08

Livres

La vérité sur Marie

de Jean-Philippe Toussaint

2 décembre 2009

Je suis un inconditionnel de Toussaint, autant le dire tout de suite. Depuis « La salle de bain », que j’ai d’abord découvert au cinéma, je me jette sur chacun de ses romans.

Avec ce troisième volume consacré à la pétillante Marie, j’ai cependant eu un peu de mal… Oh, il y a bien les ambiances particulières, électriques, que Jean-Philippe Toussaint sait planter mieux que tout autre : on commence par une orageuse nuit d’été, vitres ouvertes sur le fracas des eaux, un homme meurt. Mais j’ai eu beaucoup de mal à rentrer dans l’écriture circulaire que l’auteur développe dans ce roman. La répétition érigée en figure de style. C’est l’obsession qui est décrite là, l’obsession qui fait tourner en rond. Il y a ce passage où, entre la Marie de la rue de la Vrillière et la Marie du lit, le lecteur est submergé de « Marie ». Il y a cette fixation, allongée démesurément, étirée, tiraillée, sur le trajet d’une goutte de sang de Marie à Marie. Les mots et les phrases se répètent jusqu’à la nausée, jusqu’à l’agacement. Au-delà de la répétition des mots, le roman se jette dans la répétition des instants, des sentiments, comme dans ce passage, également étiré, où le narrateur voit Marie s’éloigner inexorablement sur un escalator : le moment est fort, certes, mais je ne dois pas avoir assez vécu l’obsession pour saisir la répétition du mouvement. Elle ne cesse de s’éloigner, et on ne cesse de lire ce que cet éloignement symbolise pour le narrateur… J’ai décroché. Dans le film que produisent mes neurones au moment de la lecture, l’escalator avait achevé sa sombre besogne alors que l’auteur me ramenait encore et toujours au début de l’instant.

Dans la dernière partie du livre, le narrateur retrouve sa Marie, moi, j’ai retrouvé le Toussaint que j’aime. Dans une scène d’incendie magnifique, décrite d’une main de maître, j’ai retrouvé tout ce que j’ai adoré dans les précédents romans : le mouvement, l’originalité des situations, la beauté des instants (qui me font penser au cinéma de Carax), la force des personnages, leur grain de folie… et, surtout, l’humour. L’humour de l’anti-héros. L’humour de Jean-Philippe Toussaint, qui, à mon sens, manque cruellement au début du roman (mise à part une considération drôlisime à propos de la bite de Jean-Christophe de G).

Un bon morceau de littérature cependant, et qui me fait réfléchir (moi qui prétends écrire). Qu’est-ce que le style ? Est-il pertinent de vouloir rendre l’écriture fluide ? Y compris, là où, parfois, elle gagnerait à se compliquer pour transcrire au plus juste une pensée compliquée ? Le but d’un auteur est de traduire en mots une pensée beaucoup plus vaste, même en prose. Le choix des mots, le rythme, la structure des phrases sont là pour bâtir une ambiance au-delà du sens brut des mots, pour étayer le fond du discours. Le seul guide que doit donc avoir l’auteur est ce qu’il veut faire ressentir, bien au-delà des normes qu’on voudrait lui appliquer… et au risque d’être incompris. Comme je n’ai pas compris, à la première lecture, ce que traduisaient toutes ces répétitions.
Merci Monsieur Toussaint pour ce cours de style !

Fabrice