TéléchargementsPlan du siteHistorique des modificationsTout ce que vous avez toujours voulu savoir sur l'Océanique sans jamais oser le demander...Liens sur le WEBContactsMention légale

700 visites, popularité : 94

Publication le 2007-06-15 19:29:46

Mis à jour le 2011-02-10 15:41:18

Science et environnement

Chic, un mur ! Fonçons !

15 juin 2007

Bien que l’avis exprimé par les scientifiques soit maintenant assez consensuel en ce qui concerne le dérèglement climatique, il se trouve encore des économistes pour le nier. Les arguments portent sur les incertitudes scientifiques quant au réchauffement lui-même et quant à son origine. Tous cela reste très obscur, et il ne fait aucun doute que ce qui sous-tend ces réactions est un argument extrêmement simple : réagir en prévision d’un changement climatique va coûter cher et dégrader nos petites conditions de vie ! J’avoue, je suis de parti pris. Parce que je lis essentiellement des revues scientifiques, peu de choses sur l’économie. Mais, par curiosité, j’ai lu le livre de Cécile Philippe de la collection « Idées fausses, vraies réponses », sur le thème « C’est trop tard pour la Terre ». Comme prévu, ça m’a beaucoup énervé.

Certes, tous les scientifiques ne sont pas d’accord. Je suis sûr qu’on peut en trouver qui doutent de l’existence même d’un réchauffement. Je ne crois pas que, sur aucun sujet, un consensus scientifique ait jamais été obtenu, sauf sous l’inquisition. Il y a toujours des voix dissidentes, et c’est tant mieux dans bien des cas : Einstein a inventé une théorie qui a remué le monde en allant à contre courant de la pensée admise à son époque. Mais dans d’autres cas, c’est un peu farfelu, voire ridicule, voire dangereux. On trouve, sur la planète, des gens pour affirmer que les camps de concentration n’ont pas existé, ou que tous les êtres vivants ont été créés d’un coup de baguette magique par une puissance divine. On en trouve… Et je dirais, dans un jusqu’au-boutisme de la liberté d’expression, que c’est encore tant mieux. Pourtant, en ce qui concerne le dérèglement climatique, il ne s’agit pas de faits passés, même gravissimes, il ne s’agit pas de décider si l’univers a été créé par un big-bang, il s’agit de l’avenir de l’humanité. Alors, certes, nous ne connaissons pas encore tous les rouages de la machine climatique – personnellement je penserais que nous ne les connaîtrons jamais complètement – mais nous en savons peut-être assez pour tirer la sonnette d’alarme et commencer à réagir !

Par les mesures, on a déjà établi que la planète se réchauffe bel et bien depuis le XXième siècle, avec une très nette envolée depuis les années 90. C’est un fait avéré. À partir de là, je ne saurais dire si c’est un phénomène exceptionnel dans l’histoire de la Terre, ou s’il s’agit d’un cycle bénin. Pourtant, je penche assez du côté des arguments que j’ai lus ici ou là : la température moyenne de la Terre a toujours varié, mais pas aussi vite ! On peut aussi douter de l’origine humaine de ce réchauffement, là non plus rien n’est établi de façon sûre. Il y a seulement une étrange corrélation entre la concentration en CO2 et la température ! Et pas seulement de nos jours, mais sur les millions d’années qui ont été analysées grâce aux carottes de glace prélevées en Antarctique. Je lis, dans le livre écrit par Cécile Philippe censé « rétablir la vérité » sur le sujet, qu’il y a déjà eu des périodes où la température était basse alors que le taux de CO2 était élevé. Et alors ? S’il y a des millions d’années de corrélation et quelques millénaires exotiques, peut-on rejeter l’idée qu’il y ait une relation forte entre les deux mesures ? D’autant plus que le phénomène qui lie la concentration de certains gaz à la température est connu, c’est l’effet de serre. Donc, même s’il y a des incertitudes, même si l’on ne sait pas exactement comment le climat va réagir, il me semble sain de s’alarmer de cette concentration en CO2 qui crève le plafond !

Mais non. Ces chers économistes continuent de dire que, tant que nous ne sommes pas sûrs de la relation entre nos activités et un hypothétique réchauffement, il ne faut rien changer. Continuons d’extraire le pétrole et de rejeter du CO2 dans l’atmosphère ! Je ne suis pas un fervent défenseur de la « théorie Gaïa », de James Lovelock, qui suppose que la Terre, dans son ensemble, est un être vivant, mais il me semble absurde de penser que l’humanité pourrait modifier un système en place depuis des milliards d’années sans le perturber. Je ne vois pas comment une augmentation de plusieurs centaines de pourcents d’un gaz de l’atmosphère pourrait n’avoir aucune incidence sur ce système trop complexe pour que nous puissions le comprendre !

Quand on parle à ces économistes du caractère fini des réserves de pétrole, ils rétorquent que là encore rien n’est sûr, on trouvera peut-être de nouveaux gisements, et on découvrira peut-être d’autres techniques, voire une énergie de substitution. Sur ce point, l’incertitude ne les gêne pas. De mon côté, il me semble plus incertain de parier sur de nouvelles inventions que sur la réalité d’un dérèglement climatique dû aux activités humaines. D’un côté nous avons de la science-fiction, de l’autre, des incertitudes scientifiques de plus en plus ténues. Car c’est bien ce qui se passe depuis le début des années 90 : au début on doutait du réchauffement lui-même, puis il a été établi, ensuite on doutait de son ampleur, puis elle a été établie, maintenant le doute s’est reporté sur l’origine du dérèglement et ses effets. Je ne doute pas, quant à moi, que les recherches futures établiront l’origine, et les effets… nous les subirons puisque, semble-t-il, rien ne sera fait pour les éviter !

J’ai dit que les arguments tentant de contrecarrer le consensus sur le dérèglement climatique allaient dans tous les sens : on n’est pas sûrs du réchauffement, et s’il y a un réchauffement, on n’est pas sûrs de son origine, et s’il est bien dû aux activités humaines, on n’est pas sûrs de ses effets. J’ai même lu un argument de poids : s’il y a bien un réchauffement, il ne sera pas négatif pour tous. Certes, d’après les modèles si décriés, certaines zones pourraient être plus fraîches. Et puis, certains pays en auraient bien besoin, ça diminuera le nombre de grippes… C’est vrai, après tout on va en vacances au soleil, alors pourquoi se plaindre d’un petit réchauffement ! On touche le fond de la bêtise, là. D’une, les modèles qui prévoient les températures locales à long terme sont beaucoup plus incertains que ceux qui se contentent de prédire une température moyenne. C’est la différence entre la climatologie et la météorologie. De deux, une augmentation de quelques degrés est l’ordre de grandeur qui sépare les périodes glaciaires des périodes tempérées comme celle que nous vivons : tous les écosystèmes sont touchés. Il ne s’agit pas des températures que nous ressentirons, l’enjeu est la survie du plancton, des coraux, des arbres de la forêt amazonienne, et, à travers eux, de tous les écosystèmes qui en dépendent, et, en bout de chaîne, nous ! Il s’agit de phénomènes climatiques extrêmes qui pourraient dévaster des régions, limiter la production d’aliments et rendre l’eau non potable. Il s’agit de la fonte des glaces arctiques et antarctiques, qui pourraient s’additionner à la dilatation des océans pour faire monter le niveau de la mer et noyer, comme par hasard, les zones les plus cultivées. J’ai lu aussi que la relation entre la température et la fonte des glaces n’était pas établie. Ah ? C’est sûr, je n’ai jamais rien remarqué de tel, surtout pas au printemps, non, la neige reste-là, calmement. Quel était l’argument, ah, oui, un scientifique a établi que la mer de Barents était plus chaude pendant la mini période glaciaire, il y a 8000 ans. Et bien, chère économiste au cerveau étroit, c’est justement la différence entre une température locale, et une augmentation globale ! De plus, le facteur le plus important dans la hausse du niveau de la mer n’est pas la fonte des glaces mais la simple dilatation de la couche de surface des océans… Alors, si les températures augmentent, il ne fait aucun doute que le niveau des mers montera !

Au bout du compte, l’argument des partisans du « ne rien faire » repose toujours sur les mêmes ingrédients, des ingrédients économiques : réagir en prévision d’un hypothétique changement climatique coûtera de l’argent et dégradera nos niveaux de vie. Laissons plutôt les individus choisir, laissons plutôt le marché réguler les choses. Oui, mais voilà, la Terre n’est pas le marché. Et le marché ne réagira qu’aux faits, pas aux prévisions. Pourtant la Terre, elle, aura réagi bien plus tôt, parce que le climat met beaucoup de temps à réagir aux modifications de l’atmosphère. Les polluants que nous dégageons maintenant auront des effets dans quelques décennies, et alors, nous pourrons réagir, mais la situation continuera de se dégrader pendant encore plusieurs décennies sans que nous puissions y changer quoi que ce soit. Si nous attendons que la science ait avéré à 100 % les effets néfastes de notre activité sur la planète, il sera déjà trop tard !

Mais quittons le domaine scientifique. Après tout, je ne suis pas climatologue (mais j’aimerais bien), je me contente de lire les articles et les livres des uns et des autres, je ne peux donc pas vraiment trancher. Pas plus d’ailleurs que ces économistes qui écrivent de doctes ouvrages pour clamer que rien n’est sûr ! D’un point de vue global, pas scientifique, mais intuitif, je dois dire que je n’arrive pas à comprendre comment on peut imaginer que l’empreinte des humains sur la planète puisse s’amplifier indéfiniment sans qu’il y ait le moindre effet. Comment peut-on imaginer que l’on puisse modifier un état d’équilibre sans en sortir au bout d’un certain temps ? Tout comme je n’ai jamais compris la théorie de la croissance : comment, dans un monde fini, peut-on compter sur une croissance sans limite ? Je suis peut-être bêtement scientifique, je ne comprends pas la subtilité des sciences « molles », mais il me semble que l’univers entier est régi par des lois simples du genre « Rien ne se perd, rien ne se gagne ». Les pays développés ont atteint l’état actuel de développement sur le dos des autres pays : les États-Unis ce sont développés en vendant leurs produits à l’Europe, l’Europe se développe en utilisant la main d’œuvre bon marché des pays asiatiques… C’est parce qu’il y a des Chinois payés avec un lance-pierre que nous pouvons nous acheter tous nos petits produits de consommation, si nous devions trimer nous-même pour les produire, ils seraient beaucoup plus chers… Alors comment pouvons-nous imaginer continuer dans cette voie ? Que se passera-t-il quand les Chinois atteindront nos niveaux de vies ? Comment peut-on imaginer que la planète pourra subvenir aux besoins de 6 milliards d’humains avec le niveau de vie d’un Américain, et supporter la pollution qu’engendrent tous ces 4x4 rutilants ?

Non, que je retourne le problème dans n’importe quel sens, je ne vois pas comment on pourrait persister dans un système aussi absurde que celui dans lequel nous vivons actuellement. Mais que je retourne le problème dans n’importe quel sens, je ne vois pas comment on pourrait faire pour que ça change. Jamais un homme politique ne pourra faire admettre à la population un changement de vie si radical qu’il puisse être pérenne. Parce que, et là les économistes ont raison, ce changement ne pourra se faire qu’au détriment de notre qualité de vie, nous, ces privilégiés d’Europe et d’Amérique du Nord. Nous qui sommes les pollueurs, la gangrène de la Terre. Nous, qui ne pouvons être amenés qu’à disparaître pour laisser la place à une société humaine plus économe, plus lucide. Et non, nous ne changerons pas, nous continuerons à ce train jusqu’à rencontrer le mur. Je ne sais pas de quoi il sera fait, j’avoue mon ignorance et le manque de certitudes scientifiques. Ce pourrait être une catastrophe climatique, une guerre pour l’eau, pour la nourriture, pour une terre émergée, ou simplement un écroulement du système par manque d’énergie. Mais ce sera un mur, droit devant nous, et nous nous y heurterons violemment. Si nous survivons au choc, alors nous pourrons peut-être comprendre que nous avons fait fausse route.

D’un point de vue quantique, on peut espérer foncer dans un mur et passer à travers. On peut espérer… La théorie ne dit pas que c’est impossible, c’est seulement très improbable. L’incertitude sur le dérèglement climatique est un peu du même ordre : il n’est pas impossible que la majorité de la communauté scientifique se trompe, il n’est pas impossible que nous puissions continuer à nous gaver des fruits de la Terre, c’est seulement improbable.

Fabrice

1 Message

  • Chic, un mur ! Fonçons ! 1er février 2008 02:53, par Fabrice

    Depuis la rédaction de cet article le GIEC a sorti son rapport 2007 (http://www.ipcc.ch/). Je vous le conseille, c’est édifiant, et je pense qu’il va un peu dépeupler les rangs des sceptiques.

    (Je ne vous conseille quand même pas de changer de planète, mais c’est un peu l’idée…)