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Myriam Marc Chapitre I - Appendre à mourir Chapitre II - Errances Chapitre III - Mourir, une fois de plus Chapitre IV - Plus froid que la mort Chapitre V - Les forces souterraines Chapitre VI - Les tunnels du souvenir Chapitre VII - Tout est à commencer

Chapitre V - Les forces souterraines : L'humour

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Cherchez la femme

 

ISABELLE : « Chéri, cette fois ma décision est prise : ça ne peut plus durer comme ça. Chaque jour se ressemble, chaque semaine c'est la même chose, tu me demandes ce qu'on peut faire ensemble, eh bien j'ai trouvé : on se quitte.

MONIQUE : Non, attends, là c’est trop… Je te quitte. C'est plus direct, moins consensuel. Il n'y a pas à discuter, c'est un état de fait…

ISABELLE : Ok, je recommence : Je te quitte. Ne vas pas croire que c'est pour quelqu'un d'autre, non, ça n'a rien à voir avec une quelconque rencontre, je trouve juste la vie avec toi vide et fade. Il faudrait un peu de sel pour relever le tout…

MONIQUE : Attends, pas de « il faudrait » ! Ça voudrait dire que vous pouvez encore améliorer la situation et repartir à zéro…

ISABELLE : Mais… C’est pas un peu trop abrupt comme lettre d’adieu… ?

MONIQUE (catégorique) : Ah non ! (elle se radoucit) Enfin, tu peux toujours essayer d’arrondir les angles…

ISABELLE : Du genre ?

MONIQUE : Du genre, euh… « Je sais que ça te fait du mal, mais j'ai bien réfléchi : il est inutile de continuer à s'ennuyer ainsi tous les deux, il vaut mieux arrêter tout de suite afin de garder un meilleur souvenir de nous deux. C'est vrai, il est inutile de… »

ISABELLE : … continuer à s'ennuyer ainsi tous les deux, ça va, tu l'as déjà dit.

MONIQUE : Oh, et puis débrouille-toi, je suis pas conseillère en séparation, moi !

ISABELLE : Ouais, effectivement, dans le genre conseillère, tu te poses là… Du dilué, tout ça ! Pour quitter quelqu'un, il faut du concentré, une formule qui dit tout sans faire trop de mal : Premièrement, je n'ai pas rencontré quelqu'un d'autre, deuxièmement, la vie est devenue impossible, troisièmement, on ne fait plus rien ensemble, et… c'est pour ça que notre vie à deux n'a plus de sens !

MONIQUE : Attends, je note !

(On entend la clé tourner dans la serrure)

ISABELLE : Chéri ? C'est toi ?

JEAN-PIERRE : Non, c'est le voisin ! Qui veux-tu que ce soit ?

ISABELLE : Tu veux prendre un thé avec nous ? C'est du chinois !

JEAN-PIERRE : Salut, Monique ! (il lui fait la bise) Non, je vais prendre un truc plus fort ! (il fait un clin d’œil à Monique et se sert un verre de pastis)

JEAN-PIERRE : C’est quoi, ce post-it ? Un, personne d'autre, deux, vie impossible, trois, plus rien ensemble… C'est le thé qui vous fait ça, vous vous êtes mises au chinois ou quoi ?

ISABELLE : Non, non, c'est rien, c'était juste un truc…

Monique se lève : J’vais au p’tit coin !

ISABELLE, à voix basse : Tu sais, Momo, ça va pas fort en ce moment…

JEAN-PIERRE : Ah bon ? Qu’est-ce qui lui arrive ?

ISABELLE : Ben, figure-toi qu’elle est en pré-ménopause !

JEAN-PIERRE  (déconfit): Quoi ?! À son âge ?!

ISABELLE : C’est bien ça le drame… 36 ans, c’est un peu jeune pour renoncer…

(Bruit de chasse d’eau) Monique revient.

Isabelle reprend à voix haute, de façon un peu artificielle : Tiens, vous savez pas ce qu’elle m’a sorti ma psy ce matin ?

MONIQUE : Vas-y, dis !

ISABELLE :« Il est difficile de devenir la femme que l’on doit être ! »

MONIQUE : Hein ?!

ISABELLE : Comme ça, texto !

JEAN-PIERRE : Ah la vache…

ISABELLE : Tu l’as dit ! Ma psy, elle devrait relire Simone, « On ne naît pas femme, on le devient », ça veut pas dire qu’on est obligé de le devenir…

MONIQUE : Mais c’est qui, Simone ?

JEAN-PIERRE (ignorant la question de Monique) : Moi, franchement, je comprends pas ce que vous avez à vous prendre la tête avec ça… Une femme, c’est simple : des seins, un vagin, et en voiture, Simone !

MONIQUE : Mais c’est qui à la fin, cette Simone ?

ISABELLE (ignorant la question de Monique) : C’est un peu réducteur, comme définition, tu crois pas ?

MONIQUE : Tu veux que je te dise, moi, ce que c’est qu’une femme ?

ISABELLE : Comment ça, tu saurais dire, toi ?!

MONIQUE : Ben oui, c’est facile, demande à Robert !

ISABELLE : C’est qui, Robert ?

Elle prend le dictionnaire sur l’étagère.

MONIQUE : Alors, alors, voyons cela… Fellah… fellation… félonie… FEMME : « Être humain appartenant au sexe capable de concevoir les enfants à partir d’un ovule fécondé »… (son expression se fige)

ISABELLE : Mais c’est quoi cette définition à la noix ?! On peut être une femme même si on peut pas avoir d’enfant, je suis pas d’accord, là !

JEAN-PIERRE : Ben ouais, mais en même temps, le Robert, il porte bien son nom, si tu veux mon avis il s'y connaît plutôt bien en lolos...

MONIQUE (exaspérée) : Oh, tais-toi, toi, y’en a marre de tes blagues foireuses !

JEAN-PIERRE : Non mais Momo, je te permets pas de me parler sur ce ton-là, dis donc !

MONIQUE : Et moi je te permets pas de m’appeler comme ça !

JEAN-PIERRE : Oh ben ça si tu savais, c’est pas moi qui t’appelle comme ça, c’est Zaza !

ISABELLE : Mais vous allez arrêter tous les deux à la fin…

MONIQUE (à Jean-Pierre) : De toutes façons Zaza elle en a marre de toi et de tes conneries, elle en peut plus, Zaza !

JEAN-PIERRE  (à Monique) : Quoi ? C’est quoi ce délire ? T’es qui toi pour venir me dire que ma femme elle est pas heureuse, hein ? Tu ferais mieux d’aller voir chez toi ce qui va pas !

MONIQUE : Comment ça, ce qui va pas chez moi ? Qu’est-ce que tu veux dire par là ?

JEAN-PIERRE : Tu sais très bien ce que je veux dire ! J’vais pas te faire un dessin, quand même ! Hein ! C’est bien écrit, là, une femme elle doit savoir faire des enfants !

ISABELLE : Jean-Pierre !

MONIQUE (en colère) : Tu lui as dit ?! Tu lui as dit que je peux pas avoir d’enfants ? Mais c’est pas vrai ! T’es pas foutue de le quitter et tu vois même pas qu’il te trompe depuis des mois…

JEAN-PIERRE : Monique !

ISABELLE (incrédule) : Mais… Mais avec qui ?

Rageuse, Monique prend son manteau, ramasse son sac et se dirige vers la porte.

JEAN-PIERRE : Mo… (la porte claque) …nique…

Lentement, il se retourne vers Isabelle

ISABELLE : Une de perdue… (Elle s’approche de lui, jusqu’à ce que leurs deux visages soient très proches) Deux de perdues… Mais celle-là, tu l’as bien gagnée ! (Elle lui donne une gifle retentissante et sort en claquant la porte.)

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