Le crémateur
J’aimerais n’être qu’un spectre entre tes bras, me dépouiller de tout ce qui en moi est la vie pour ne garder que ce point d’énergie qui survit à la mort, avec, au creux des reins, la douleur de n’être rien. Quel soulagement de n’avoir enfin plus de rôle à jouer, de me donner à toi comme je ne suis pas, telle que je n’ai jamais été qu’aux confins du mystère de l’existence : squelette de chair et de sang, je ne laisserai pas l’âme prendre le dessus, je la ferai taire enfin et, plus bas qu’être jamais n’a été, je serai dans les draps plus cruelle et plus tendre qu'à aucun moment je ne me le suis permis. Pour n’être rien qu’à toi je tairai la mémoire qui brûle et me consume. Rien que la chair, pour toi, et les os qui craquent sous ton poids. La plus grande volupté serait de m’effriter sous tes doigts : la plus merveilleuse communion que l’on puisse imaginer avec l’univers, un orgasme cosmique à la mesure de notre union… Là où tu m’auras créée, je retournerai à la poussière.
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