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Myriam Marc Chapitre I - Appendre à mourir Chapitre II - Errances Chapitre III - Mourir, une fois de plus Chapitre IV - Plus froid que la mort Chapitre V - Les forces souterraines Chapitre VI - Les tunnels du souvenir Chapitre VII - Tout est à commencer

Chapitre III - Mourir, une fois de plus

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Silence radio

 

J'ai dansé, vingt-six années durant, dans une pièce sombre, sur une musique sans rythme, sans notes, sans mélodie… Danse frénétique, irréfléchie, à aiguiser les sens pour oublier les sons. Agitation d'épileptique. J'ai perdu la mémoire, ou plutôt : elle ne s'est pas construite. Quels souvenirs garder de cette transe maladive, irraisonnée, déraisonnable ? J'ai tourné, des jours durant, comme un fou… J'entendais des voix, je leur répondais, sans comprendre, aveuglé dans cette pièce mal éclairée. Il n'y avait pas de porte, j'étais emmuré, et les deux petites lucarnes ne laissaient pas passer la lumière. Je voyais des gens tourner autour de moi, mais eux semblaient connaître les pas de cette danse sans joie, et en comprendre les paroles. J'avais beau essayer de former des phrases : personne ne les comprenait. Dans cette pièce trop étroite, les murs me renvoyaient l'écho de ma voix. J'ai fini par me heurter aux parois, avec beaucoup de douceur et de pitié pour moi-même, puis jusqu'à me faire mal, sans trop savoir pourquoi. J'ai éprouvé les contours de cette pièce ; j'y mène une existence solitaire. Personne n'y est jamais entré, elle est trop petite, on y étouffe, il ne fait pas bon y vivre, et je ne sais si j'y resterai longtemps encore.

 

Dans cette petite pièce que forme mon esprit, il n'y a pas de porte, pas de sortie. C'est mon empire, mon royaume, je règne en maître sur mes ténèbres, personne n'y entrera jamais. Les hommes sont des enfants, ils ont peur du noir. Quiconque essaierait d'y apporter la lumière se noierait : j'y ai versé trop de larmes. Qui aimerait s'aventurer dans les marécages ? J'ai moi-même du mal à y respirer.

 

Silence radio. Seul mon petit greffier semble vivant, semble chercher.

Ma capacité à souffrir m’étonne de jour en jour, je ne sais plus compter que jusqu’à demain, car mes plans sont morbides.

Silence radio. Il n’y a plus de réponse. La question n’est même plus posée.

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