Le mobile du crime
La ville avilit tout. Elle n'engendre rien qui ne soit destruction. La ville, c'est le mobile du crime. Je rêve de champs lourds sous le soleil, de l'odeur du foin dans mes cheveux, de la sueur du travail bien accompli, de la satisfaction de soigner, de nourrir, de se donner pour rien, et d'aimer la vie à pleines mains. Bruit, gens sur la route, trop de béton dans les cœurs, trop de pauvreté d'âme pour tout ce que l’on achète dans les magasins, la vie nous dépasse mais ne va au-delà de rien, engrenage trop mal huilé qui se mord la queue à chaque tour de manivelle. Je rêve de cœurs lourds dans les champs, comme des grappes de raisin bien mûres, prêtes pour la récolte, mais les sirènes retentissent à l'appel d'un mourant, d'un malade, d'un enfant écrasé sur la route - plus de chemins de terre, plus de boue sur mes chaussures, rien que la poussière du plâtre à la blancheur de l'aspirine, et le cerveau se nourrit de cette analogie pour crier à nouveau sa douleur, mais l'aspirine n'apaise pas, il en faudrait une montagne pour que l'araignée de la civilisation lâche sa proie. Je m'endors à nouveau dans cette turbulence vaine où les oiseaux des villes n'osent plus se poser, par peur de se brûler les pattes, non plus les ailes. Il est si loin le temps où ils allaient voler le feu des dieux; aujourd'hui les dieux sont descendus de leurs piédestaux, nul besoin de lever les mains au ciel, agenouillons-nous simplement pour baiser le sol crasseux. Seringues, poudres, breuvages… Je n'ai pas le choix, il me les faut pour partir. (dans la baignoire, après avoir vidé toutes les boites de somnifères des pharmacies de la rue Marx Dormoy, je m'endors et me noie, avec des soubresauts du corps à l'instant fatidique, mais je rejette l'air et accueille l'eau dans mes poumons. Retour à la source). Je sais qu'il va arriver en soupirant, en soufflant, qu'il frappera à la porte, me maudira de ne pas être là, soupirera plus fort que la vie est dure - si dure que l'on voudrait mourir, n'est ce pas ?
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