Le présent

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1

J'ai fini la vaisselle, et elle a fini par rentrer, un peu fatiguée. Il n'est pas aisé de faire si vite une place dans sa vie, de tout régler dans la semaine. Surtout que nous ne nous sommes pas quittés depuis notre rencontre, sauf pour cette vaisselle qui restera à jamais gravée dans mon esprit.

Par la suite, au fur et à mesure des jours, nous avons appris à profiter de la vie, ensemble, et chacun de notre côté. Nous avons d'abord découvert que c'était possible, que nous en étions maintenant capables. Puis nous avons exploré les possibilités. Jouir de la vie, ou en profiter, ce n'est pas forcément courir d'un côté à l'autre du monde, ça peut aussi être jouir de chaque instant, quel qu'il soit.

Où que nous allions, nous peignons le monde aux couleurs de notre amour. Ou plutôt ce n'est pas volontaire, un amour comme le nôtre se projette sur ce qui l'entoure. Et le monde devient magique, lumineux.

Parfois nous hantons la ville, nous déambulons au hasard des bars et des magasins. Nous rions, nous jouons. Mais aussi nous jetons sur le monde un regard détaché. Notre amour nous isole des turbulences extérieures, parce que le plus important est que nous soyons ensemble. Nous pourrions affronter toutes les péripéties de la vie main dans la main.

Parfois nous visitons le monde réel, nous arpentons la Côte des Légendes. Et là, sur la côte, devant les vagues qui se jettent sur les rochers et explosent de vie, nous ne sommes plus extérieurs. Nous sommes face au monde, nous faisons écho à son chant. Le monde chante, nous chantons aussi.

 

 

2

Une histoire d'amour naissante, ça renouvelle la vie. Ça peut durer quelque temps, plus ou moins, selon l'imagination des protagonistes. Ça renouvelle la vie parce qu'il y a toute une série de "première fois". Premier resto, premier ciné, premier mois, première fête. Mais aussi première galère, première engueu­lade de chez engueulade. On se retrouve face à un monde qu'on ne reconnaît plus tout à fait, une nouvelle perception du monde. On est comme en voyage : quand on est ailleurs, les couleurs du monde semblent plus vives, on y est plus attentif.

Le premier voyage du jeune couple, c'est extraor­dinaire. Tout est neuf. Ce qu'il y a autour d'abord, le monde réel, physique, est un endroit qu'on ne connaît pas, entièrement à découvrir. Mais aussi les sentiments, ce qu'il y a au-dedans, tout frais.

On s'amuse de tout, plus parce qu'on a envie de rire que parce qu'il y a de quoi. On se gausse, on est facilement idiot quand on est amoureux. Et aussi on a l'impression de se construire un avenir, un mode de vie. Ce sera le premier voyage d'une longue série, aujourd'hui nous sommes ici, demain nous serons ailleurs. Nous avons la terre entière à visiter, et la galaxie, peut-être aussi.

Elle, je l'attendais pour voyager. Et ça n'a pas traîné, juste trois mois et nous sommes partis. Il y avait un vide dans ma vie, comme une brique manquante à la base d'un mur, qui le fragilise, qui l'empêche de s'élever. Maintenant, j'ai le sentiment que la brique est en place. Et à partir de là tout s'ajuste, tout s'aligne parfaitement, c'est logique, c'est beau. Ma vie prend enfin le sens qu'elle a toujours eu sans vouloir l'assumer. Ma vie prend son envol. Ce dont j'ai rêvé se nimbe doucement de réalité. Doucement, ce n'est pas un flash, ce n'est pas une révolution, c'est une évidence qui se met en place. Cette jolie pierre est arrivée, a vu une faille dans mon mur, et s'y est placée. Puis d'autres pierres ont bougé, parce qu'il n'était plus nécessaire de combattre une fragilité. Toutes les pierres s'alignent, une à une. Chacune fait un petit "clac" et une lumière s'allume dans mon cerveau. Et je soupire, car je sais que, enfin, ça va aller mieux.

Le nez au vent dans un pays inconnu, nous déclinons notre amour. Nous le renouvelons en profitant du renouveau offert par le voyage. Nous le solidifions aussi : nous prenons des photos, mais surtout, parce qu'une photo n'est pas éternelle, nous imprimons dans notre mémoire des images inoubliables. Les souvenirs les plus tenaces sont les souvenirs de voyage. Nous nous sommes enlacés derrière une chute d'eau, je ne l'oublierai jamais, c'est assez exceptionnel pour ça. D'autres choses, oui, je les oublierai, je le sais, même si je ne veux pas, même si je voulais absolu­ment tout conserver. Mais cette image précise, je sais qu'elle restera, je sais qu'elle ne pourra pas être poussée dehors par quelque chose de plus fort. Ce n'est plus seulement le premier baiser derrière une chute d'eau, il est et restera unique.

Au petit matin, je regarde le soleil s'élever sur cette terre que nous découvrons. Une lumière d'ailleurs. Une lumière qu'on ne peut voir qu'ici, dans les lointaines contrées du Nord. Walhalla.

 

 

3

« Grrrrr.

    (Grognement animal très expressif)

- Grouïk !

    (Blague privée à propos des phoques)

- Ratatatatatata…

    (Expression naturelle de la satisfaction d'être ensemble)

- …

- Je t'aime.

- Moi aussi, je t'aime, mon amour. »

 

 

 

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