Lonely in the Dark

Under the Rain

Texte 2 : The Dark Side of the World

  • Il pleut… Les gouttes d’eau viennent frapper ma fenêtre comme si elles voulaient la briser. Je griffonne encore quelques mots sur ma feuille avant de refermer mon cahier. Je me lève, éteins la lampe de mon bureau et me laisse tomber sur mon lit, le regard fixé sur la vitre. J’observe les gouttelettes qui tombent dehors. La rue est déserte, pas un chat. Avec une telle averse ils doivent être tous bien au chaud à s’abrutir devant leur télé. Je ferme un instant les yeux, me laissant bercer par l’inlassable battement de la pluie.
    - Ma mère m’appelle pour manger. Je sors de ma chambre et descends les escaliers. Mon assiette est pleine, posée sur la petite table ronde au milieu de la cuisine. De la soupe ! Comme si elle ne savait faire que ça ! Midi et soir c’est la même chose, tomates, pommes de terre, carottes… tous les légumes y passent, on ne mange que rarement autre chose. Elle m’en ferait aussi pour le petit-déjeuner si elle le pouvait. Je m’assieds à ma place et commence à manger. Seul, comme d’habitude. Mon père est encore au travail et ma mère est déjà partie se coucher. Je finis d’avaler le liquide chaud et essuie le fond de l’assiette avec un morceau de pain. Je range ma chaise contre la table et, pour une raison que j’ignore, je me dirige vers la porte. Je l’ouvre et sors sous le déluge, en T-shirt. Je laisse mes jambes me guider vers le parc à quelques minutes de marche de la maison. Je m’installe sur un banc en bois et lève la tête vers les nuages noirs qui emplissent le ciel. Je suis trempé, mes vêtements me collent à la peau, mes cheveux noirs, alourdis par le poids de l’eau, me tombent devant les yeux, et pourtant je reste là, sans bouger, à regarder le déluge s’abattre sur moi.
    - Une sirène retentit derrière moi. Pompiers ? Flics ? Je n’en sais rien… À vrai dire je n’en ai rien à faire, des trucs comme ça y’en a des dizaines par jour, et tout le monde s’en fout. Un p’tit vieux s’appuyant sur sa canne passe devant moi, tentant désespérément d’empêcher son parapluie de s’envoler. Il tourne la tête vers moi, semblant se demander ce que je fais là, si peu vêtu, par un temps pareil, puis il continue sa route, sortant du jardin par le petit portail de fer. Mon regard se pose sur le parc à jeux. Le tourniquet tourne, poussé par le vent et les balançoires montent et descendent sous les rafales. C’est comme si l’endroit était occupé par des fantômes…
    - Je me lève et continue ma route, sans but précis. Je déambule dans les rues, passant devant les magasins fermés. Une voiture me dépasse, m’aspergeant d’une eau marronâtre en roulant dans une flaque. La nuit se fait de plus en plus sombre et je commence à avoir froid. Pourtant, je ne rentre pas chez moi. Je croise la route d’un gamin qui tire sa mère par la manche pour courir se mettre à l’abri. Ils disparaissent au coin d’une rue. J’arrive dans une grande avenue dans laquelle quelques rares automobiles passent, ainsi que de rares piétons. Un crissement de pneus suivi d’un bruit sourd me fait me retourner en sursaut. J’ai juste le temps de voir la tête de l’homme frapper le pare-brise jusqu’à l’éclater en morceaux que tout est déjà fini. Au coin de la rue, un chat roux s’enfuit. Sur le capot, un liquide rougeâtre se déverse de la tête du conducteur. Je reste là, à observer la scène, sans pouvoir bouger un seul membre. Des gens se précipitent vers la voiture faisant mine d’ignorer que le type est mort, tentant de le ranimer, n’importe comment… Le sang se déverse de plus en plus abondamment du corps. Personne ne peut rien y faire, pourtant, tous essaient de trouver une solution alors que la vie s’est envolée depuis longtemps. De là où je me trouve, je peux voir la ceinture du chauffeur à sa place, bien rangée à côté du siège et non brisée par la violence du choc… Encore un imbécile qui pensait que ce n’était pas important, et qui maintenant en paie le prix. Une sirène retentit, encore une fois, et un camion rouge débarque derrière moi. Des hommes en sortent et écartent la foule agglutinée autour du cadavre. Ils l’embarquent sur un brancard après s’être assurés que la vie l’a bel et bien quitté et repartent comme ils étaient venus.
    - La sirène résonne encore au loin, peu à peu remplacée par un cri énervé qui se fait de plus en plus présent.
    - « À TABLE J’AI DIT ! »
    - J’ouvre les yeux et constate que je suis de retour dans ma chambre, étendu sur mon lit. La pluie n’a pas cessé de tomber. Je me lève, encore troublé, et sors. J’éteins la lumière et ferme la porte, plongeant la pièce dans le noir. C’était un rêve, oui, c’était juste un rêve…

Au loin une sirène retentit
- Au loin un homme est déclaré mort
- Au loin on emmène un cadavre dans un camion rouge
- Et dehors la pluie tombe toujours, nettoyant l’asphalte du sang qui s’y est déversé…