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dimanche 13 mai 2007 Le paradoxe du zooNous avons passé la nuit chez un bûcheron québécois (dont la femme a été cuisinière dans un hôtel, nos papilles s’en souviennent), il nous a abondamment parlé de la nature québécoise, des moeurs des castors et des ours noirs, et des randonnées en motoneige. Définitivement très tentant la motoneige : parcourir ces vastes étendues blanchies par l’hiver, s’arrêter humer l’air frais des grands espaces… Mais c’est assez cher (dispendieux) paraît-il, alors, nous, pauvres étudiants, je ne sais pas si nous aurons les moyens de tenter l’aventure l’hiver prochain. Quant aux ours, ils sont déjà sortis de leur hibernation, d’après lui, mais ne présentent pas de danger réel. Mis à part bien sûr le cas, pas de bol, où l’on tombe sur une nichée, là oui, la mère voudra défendre ses petits. Nous gardons donc en tête qu’il n’y a pas de danger… sauf s’il y en a. C’est rassurant… à moitié. Mais mis à part ces petits détails, il n’y a pas d’animaux dangereux au Québec. Enfin si, les orignaux peuvent aussi charger s’ils ont l’impression que leurs rejetons sont menacés. D’accord, mais à part ça il n’y a aucun danger. Une chose réellement rassurante tout de même : en hiver, les ours hibernent, donc quand on fend la neige à 70km/h (la limite de vitesse légale) sur un skidoo, les ours sont sous la neige. Donc on peut leur passer dessus, mais pas l’inverse. Enfin… sauf si on en réveille un, bien sûr… Là, il pourrait ne pas être très heureux, le plantigrade, voire très mécontent de se faire réveiller en plein rêve d’hibernation. Est-ce que les animaux rêvent pendant qu’ils hibernent ? Ce doivent être de vraies épopées, ces rêves… Bref, sur ces paroles rassurantes, nous avons décidé de faire une halte au « zoo sauvage de Saint-Félicien ». « Zoo » et « sauvage », rien que le nom est amusant. Et terriblement paradoxal… La brochure dit que les animaux disposent de vastes espaces et qu’une attention toute particulière est portée à la reconstitution de leur milieu naturel. Mais, malgré tous les efforts qu’on peut déployer, ils seront toujours enfermés. C’est le principe d’un zoo. Alors c’est toujours assez triste de voir ces pauvres bestioles qui tournent en rond dans leur parc, même si ce dernier a la taille d’un terrain de foot (cf. l’article « Le père Noël est un kangourou »). D’un autre côté, il faut bien le reconnaître, c’est une occasion unique pour nous, pauvres touristes, de pouvoir les observer : jusqu’ici, nous n’avons pas vu d’autres animaux sauvages que des oiseaux, des écureuils, quelques bélugas et deux petits rorquals. Et, en plus, nous pouvons les observer en toute quiétude. Franchement, quand je vois un ours, je me sens plus tranquille derrière un grillage, malgré toutes les paroles rassurantes qu’on pourra me répéter. Et c’est ça le vrai paradoxe : ça fait mal au coeur de les voir enfermées, ces pauvres bêtes, mais on est quand même content de les voir là plutôt que pas du tout, donc on va au zoo, on en fait une activité rentable, et on encourage le maintien de cette activité pénitentiaire. Le zoo de Saint-Félicien, lui, s’aborde par le côté arctique : les ours polaires. Magnifiques. De majestueuses bêtes, semblant un peu pataudes, mais terriblement agiles… Des seigneurs ! Ils ont un enclos de peut-être dix mètres sur trente, avec un bassin muni d’une paroi de verre, si bien qu’on peut les voir nager. Mais c’est vrai qu’on sent bien qu’ils s’ennuient. Il y en a un qui s’accroche près de la paroi de verre, qui se laisse chatouiller les poils [1] par les bulles d’air qui montent du fond, un vrai jacuzzi. Un autre fait les cents pas sur les rochers : je tourne autour de ce rocher, puis je marche tout au bord du précipice, puis, quand j’arrive à la petite faille là-bas, que je pourrais aisément passer, mais c’est juste un point de repère, je fais demi-tour et je recommence. Le troisième, l’air de s’amuser terriblement, se propulse dans l’eau sur le dos, depuis le bord, les quatre pattes en l’air, puis il se retourne, revient en nageant vers son rocher, et il recommence. On les dirait monomaniaques, dingues. Puis je réalise que les prisonniers humains, eux aussi, trouvent des exercices répétitifs pour que leurs muscles ne dépérissent pas totalement. Alors voilà, ces ours, habitués à parcourir des centaines de kilomètres sur la banquise, font leurs petits exercices pour ne pas perdre la main, ou la patte. Un peu plus loin, c’est le domaine des mustélidés. Nous commençons par voir deux castors dans leur habitat naturel coupé en deux par une vitre. Ils dorment comme des bienheureux, nous osons à peine les regarder de peur de les réveiller. Puis il y a des loutres, des blaireaux, un renard perdu là au milieu… Toujours le même cirque : le renard fait le tour du territoire, on dirait qu’il surveille le grillage à la recherche d’une faille. La loutre fait les cents pas avec une variante : un passage du circuit se fait sous l’eau. Puis il y a deux phoques qui s’ébattent dans une petite piscine. D’un côté il y a aussi une paroi de verre, et quand on approche le doigt, l’un des phoques, le plus petit, vient voir de quoi il s’agit. Le vieux doit déjà connaître le coup depuis trop longtemps, il ne se laisse plus avoir… Une des grandes attractions du zoo est le petit train. Ça ne paraît pas engageant comme ça, mais, en fait, c’est très intéressant. Pour une fois, c’est nous qui sommes mis en cage, des cages sur roues traînées par un petit tracteur, avec une employée du zoo qui conduit et commente la visite. Et là, on a l’impression que les animaux sont en liberté. Nous nous doutons bien que ce n’est qu’une impression : même si elles sont invisibles, il doit y avoir des clôtures. Mais au moins, là, il y a vraiment de l’espace ! Pendant la visite, nous apercevrons ainsi : des cerfs, des bisons, des ours noirs, des chiens de prairie, des loups gris, des orignaux, des caribous, des boeufs musqués, des wapitis et une marmotte. Il paraît que l’année dernière, le boeuf musqué qui avait pris la tête du troupeau, avait aussi pris l’habitude de charger le petit train pour protéger son peuple : il ne tolérait aucun intrus sur son territoire. Ce devait être… grisant… un peu effrayant, mais une expérience à vivre, certainement. Heureusement pour nous, le nouveau chef est plus coulant, il laisse passer les trains sans s’en émouvoir. Sortis du train, il ne nous reste plus qu’à finir le parcours à pied : nous y verrons un couguar, des dindons, des grues, de nouveau des cerfs et surtout un lynx du Canada. C’est un gros chat qui apparaît en contournant délicatement un rocher, s’étire, puis se couche dans l’herbe chaude. Nous finissons la visite par un nouveau petit détour vers les ours blancs. Ils sont toujours occupés par leurs exercices physiques, Samuel, baptisons-le ainsi, continue de se jeter dans l’eau sur le dos, et a l’air de trouver ça toujours aussi drôle. Oui, mon gros, j’espère qu’un jour tu retrouveras ta banquise… Enfin si elle existe encore dans quelques années… par Fabrice
Notes[1] Quand nous arrivons, un gars est en train d’expliquer à la foule que les poils des ours blancs sont creux, pour conduire la chaleur, et leur peau noire, pour la retenir Diaporama
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