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mardi 22 mai 2007 Le buddha macareuxCe matin, nous sommes partis à la découverte des fjords de l’ouest, le far-west islandais. Les routes de cette partie isolée de l’île, qui forme une presqu’île de l’île, ont deux inconvénients : ce sont des pistes, pour la plupart, et on ne trouve pas souvent de pompe à essence. Or, nous avons remarqué que le petit 4x4 que nous avons loué a une autonomie limitée à quelques 300 kilomètres, ce qui nous fait craindre de rester à nous les geler sur une route déserte. Nous avons fait le plein à Stykkishòlmur, juste avant de prendre le ferry, donc il est inutile de le refaire à Flokalundur, où notre hôtel dispose d’une pompe. Nous prenons donc la route en visant une pompe un peu plus lointaine, sur notre chemin pour le fin fond de l’ouest islandais : Latrabjarg. Ces falaises sont le point le plus à l’ouest d’Europe, et, paraît-il, on peut y observer des macareux. Après avoir roulé une vingtaine de kilomètres, nous arrivons en vue de ladite pompe à essence. C’est une pompe unique, devant une petite cabane dans laquelle on aperçoit une caisse enregistreuse. Quand nous arrivons, il n’y a personne. Un peu plus loin un vieux bateau de pêcheur gît devant une maison délabrée. Après quelques minutes, nous voyons arriver un vieil homme, Zweït, comme il nous dira s’appeler. Il ne parle pas bien anglais mais nous nous comprenons vite, après tout, nous nous sommes garés devant la pompe, c’est assez explicite. Il nous demande d’où nous venons. « France ». « Ah, Zidane, good player ! ». Ouais, ouais… Il va actionner un interrupteur dans la cahute, la pompe s’allume, puis il revient, alors que je tente vainement de remplir le réservoir, et il enclenche une manette sur la pompe, puis me prend le pistolet des mains, l’essence coule dans le réservoir. Puis ça s’arrête, rapidement. Le gars insiste, mais le réservoir déborde déjà. Il regarde le compteur : 3 litres. Forcément, après avoir roulé seulement une trentaine de kilomètres depuis le dernier plein. Il se marre, « Three liters ! ». Nous essayons de nous justifier : la crainte de ne pas trouver une autre pompe, etc. Mais c’est assez difficile sans parler islandais. Le gars ne semble pas embêté de s’être déplacé pour si peu. Il nous fait entrer dans la cahute et nous montre un « guestbook » en nous invitant à y laisser un mot. Puis nous payons, en liquide, nous n’osons pas demander s’il prend la carte pour une si petite somme, et, alors que nous allons partir, il nous tend la main et dit « Zweït » en se tapant la poitrine. Puis il nous demande d’un signe du menton comment nous nous appelons. Nous nous quittons avec le sourire, et, en s’éloignant, il lève encore le bras pour dire au revoir. Nous reprenons la route, avec le réservoir plein à craquer de carburant. Pendant tout le début du trajet, la route est bitumée, nous escaladons un col, et redescendons dans le fjord voisin, sur une route en lacet. Comme en Nouvelle-Zélande, les routes islandaises sont démunies de glissière de sécurité, ce qui rend la conduite… intense. Je ne regarde plus le paysage, je me concentre sur la direction à prendre, les deux mains agrippées au volant. Puis, alors que nous nous apprêtons à longer le fjord, le bitume s’arrête net, nous continuons sur une piste de gravillons. Le paysage est magnifique, grandiose. Nous croisons des maisons isolées, certaines abandonnées, des moutons épars dans les champs. Puis la piste se met à longer une falaise éboulée, un panneau indique que des pierres peuvent tomber, et, vu le nombre de pierres de toutes tailles, du caillou au rocher, qui jonchent les éboulis, on le croit sans peine. Puis le côté droit est remplacé par un profond ravin qui se jette dans la mer. La route semble une très légère encoche dans cette gigantesque pente d’éboulis. Je ne sais pas si les paysages étaient magnifiques à cet endroit… Pas vus. Enfin, si, j’exagère, nous nous arrêtons une fois ou deux pour prendre une photo, en espérant qu’aucune grosse pierre n’aura la malencontreuse idée de tomber à ce moment-là, et en faisant très attention au redémarrage : surtout ne pas déraper sur les graviers… Nous finissons par arriver, à 13 heures passées, à notre hébergement pour la soirée, une ferme qui s’est diversifiée dans l’hôtellerie. L’accueil est chaleureux, nous optons pour une chambre aménagée avec une magnifique vue sur la mer. Notre hôte nous dit que, pour voir les macareux sur la falaise voisine, il faut y aller entre six et huit heures. Nous profitons donc de l’après-midi pour aller déambuler sur la vaste plage qui s’étale devant la ferme. Ne serait le vent glacial qui y souffle, ne serait la température de l’eau, que nous pouvons imaginer glacée pour l’avoir tâtée à Flokalundur, on pourrait se croire au paradis sur cette plage. Immensité de sable blanc, soleil perçant entre les nuages, mer bleue, petits rouleaux bien alignés. Nous décidons de revenir vers notre chambre à la première averse de neige. Pas de doute, nous sommes bien en Islande, et le pull, le bonnet, le caleçon long, les gants, les grosses chaussettes dans les grosses chaussures, avec un coupe vent par dessus tout, sont bien nécessaires. Pas de bikini ici, ou en fourrure d’ours polaire, à la rigueur. Vers six heures, nous partons, comme conseillé, vers la falaise la plus à l’ouest de l’Europe. Je vous épargne les détails, je ne vais pas éternellement me lamenter sur l’état des routes, mais nous nous félicitons une fois de plus d’avoir loué un 4x4. Le coin est grandiose, le soleil fait de longues apparitions, inondant la mer et les collines d’une lumière jaune chaleureuse. Nous nous approchons de la falaise, un à-pic de trente mètres au-dessus de la mer. Nous nous penchons pour essayer de voir les célèbres volatiles qui sont un des emblèmes de l’Islande, les macareux (« Puffins » en anglais, ça nous a bien fait rire [1]). Rien. Pas un macareux en vue. Nous décidons d’aller marcher un peu plus loin que l’endroit qui nous avait été indiqué… Et là, vers 19 heures, nous voyons notre premier macareux. Il faut dire que, pour nous, voir les animaux a toujours été compliqué. On était déjà passé à côté des macareux lors de notre premier voyage en Islande, nous avions loupé les kangourous en Australie, les kiwis en Nouvelle-Zélande, les orignaux au Québec. Alors, voir un macareux, qui plus est dans un endroit qui est réputé pour, c’est une absolution, la levée de la malédiction. Ils sont mignons, ces piafs. Tout calmes, alors que les mouettes s’époumonent sur la falaise d’à côté en volant dans tous les sens. Eux ne disent rien. Et il volent droit de leur petites ailes, sans fioritures inutiles. Ils vous regardent calmement approcher en penchant la tête, et restent là, sereins. De vrais buddhas. Mais bon, les gars, on serait bien resté toute la nuit, mais là, on va saturer le disque de l’ordinateur avec toutes les photos qu’on a prises, et on nous attend pour manger. Alors, bonne chance pour la suite, et à une prochaine, peut-être ! L’âme au-delà du mondeDes pans de ciel s’accrochent Ils ont les aîles noires Et leurs couleurs graphiques Sont d’une perfection rare. Ils connaissent les abîmes Ils sont de ces seigneurs Ils se posent le soir, Et, enchaînés sur Terre, Leur silence en dit long Nos yeux les suivent alors Myriam
par Fabrice
Notes[1] En anglais, « Puffin » est très proche de « Muffin », tout comme en français, « Macareux » est tout proche de « Macarons », c’est vrai qu’ils sont à croquer, ces piafs… Diaporama
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