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lundi 23 avril 2007

L’angoisse du touroriste avant le 86 étage

Ce qui nous a frappés quand nous sommes allés acheter notre billet de car pour Montréal, c’est le sens du mot « efficacité » à la sauce américaine : Pour les travailleurs, il s’agit d’accomplir sa tâche de façon systématique, sans états d’âme ni égarements humains du genre sourire ou parler du temps qu’il fait, et si le client ne comprend pas la question qu’on vient de lui poser, je la répète à l’identique, je n’ai pas de temps à perdre avec les touristes, moi… Bon, finalement nous ne prendrons pas le bus mais le train, plus économique bien que plus lent (10 heures de route prévues en train au lieu des 8 heures de trajet en car). Mais, comme nous avions oublié nos passeports la première fois que nous nous sommes rendus à la gare, il nous a fallu refaire le chemin inverse jusqu’à l’hôtel, puis retour à la gare pour acheter nos billets. Cela nous a tout de même pris une bonne partie de l’après-midi (le décalage horaire ne nous ayant pas encore permis de nous lever aux aurores), et nous sommes arrivés un peu trop tard au Hell’s Kitchen Flea Market (marché aux puces), dont les exposants commencent à ranger leurs étalages…

C’est dommage que nous venions pour la première fois à New York (mais il est vrai qu’il faut toujours une première fois…), car cette fois-ci, nous nous devons de visiter les « lieux communs », c’est-à-dire ceux qu’il « faut » avoir visités quand on vient à New York : Après le World Trade Center, nous nous sommes donc acquittés de l’Empire State Building, à la nuit tombée (il ferme à minuit, et il paraît qu’il y a moins de monde tard le soir). Nous y sommes allés trop tôt.

Il est difficile de décrire le parcours à accomplir avant de parvenir à ce qui devrait être le clou du spectacle, à savoir la vue panoramique que le monument offre de la ville du haut du 86ème étage, car il vaut mieux être motivé pour entreprendre un tel pèlerinage et ne pas abandonner en cours… La foule qui s’agglutine devant l’entrée devrait déjà vous faire hésiter ? Non ? OK, allons-y, alors : Nous ne nous attardons pas dans les couloirs de marbre, nous suivons la file des gens qui ont hâte d’être en haut. Nous cheminons dans de longs couloirs, dans lesquels des employés nous indiquent le chemin à suivre (attention à celui qui s’égare, il sera rappelé à l’ordre d’une voix péremptoire qui ressemble étrangement à un aboiement !), puis un premier arrêt à ce qui semble être un poste de contrôle, où on est donc contrôlés, comme à l’aéroport (sacs et effets personnels scannés), puis on accède, après de nombreuses autres déambulations dans les couloirs, à un premier ascenseur dans lequel le préposé à l’ascenseur nous guide, afin que le nombre de personnes autorisées à monter soit respecté.

80Ème étage : autres couloirs, autres employés, on nous dirige vers un autre poste de contrôle, où, cette fois, nous serons… photographiés par deux employés dont l’un est chargé de dire « souriez – suivant ! », et il s’acquitte de sa tâche avec brio… « Oui mais moi je voulais juste voir la ville d’en haut, vous savez, je n’ai pas l’intention de faire sauter la ville, ni même l’immeuble, ni de tuer qui que ce soit ni de porter atteinte à quoi que ce soit… » Bref, on est à cours d’arguments devant tant de détermination et d’efficacité pour défendre la mère patrie (représentée ici par un immeuble qui, s’il sautait, enverrait dans une nouvelle incarnation plus d’étrangers que de bons américains, vu le nombre de touristes présents, dont nous sommes…).

Avant d’accéder au deuxième ascenseur, nous sommes encore loin dans la file d’attente mais nous entendons déjà la grande prédicatrice préposée à la vente de visites guidées sur pistes audio qui s’époumone sans discontinuer. Son discours est le même à chaque fois, mais je ne l’ai pas retenu (du genre « Machinchose, un vrai New-Yorkais, vous indiquera les monuments à voir sur cette piste audio fabuleuse à seulement tant de dollars, vous parlez allemand-français-chinois-japonais-… ceci est pour vous ! Machinchose, un vrai New-Yorkais, vous indiquera les monuments à voir sur cette piste audio fabuleuse à seulement tant de dollars, vous parlez allemand-français-chinois-japonais-… ceci est pour vous ! », etc. Quand vous passez à côté d’elle, vous avez presque envie de lui en acheter une tellement elle fait pitié…

Après avoir été guidés dans un deuxième ascenseur, nous voici arrivés au 86ème étage : Toujours aiguillés par les employés de Sa Majesté Georges Walter, nous débarquons dans un magasin de souvenirs, qui nous mène enfin au-dehors, là où les gens s’entassent pour voir la ville d’un point de vue inédit. D’en haut, New York est un alignement de petites lumières et la nuit n’a plus de sens… Le tour est assez vite fait, et, comme je reconnais difficilement les monuments vus d’en haut et que le vent froid souffle fort, je me réfugie à l’intérieur (dans le fameux magasin). Nous redescendrons par les mêmes voies, mais plus rapidement, les touristes qui s’en vont n’intéressent plus Sa Majesté G.W., sauf pour leur vendre (20 dollars !) la photo qui a été prise d’eux à l’entrée, dans un mauvais montage devant l’Empire State Building… Non, décidément, il faut qu’ils arrêtent, les Américains, avec leur terreur parano face aux touristes qui sont peut-être des terroristes mais qui peuvent rapporter gros s’ils n’en sont pas (et s’ils ont les poches pleines).

Le lendemain, c’est au tour du Museum of Modern Art (le célèbre MoMA) de faire les frais de nos déambulations. En mauvais amateurs d’art, nous commençons la visite… par le magasin du musée, idéalement situé à l’entrée, avant les caisses. On y trouve quelques innovations techniques en matière d’ustensiles en tous genre, des objets du quotidien aux formes et aux usages parfois inédits, des gadgets marrants, des jeux pour petits et grands…

De la première salle dédiée aux médias à la dernière que nous aurons le temps de voir et qui regroupe des oeuvres de Fernand Léger, Picasso, Van Gogh…, nous en prenons plein les yeux (nous n’aurons pas le temps de parcourir le 6ème étage, consacré aux expositions temporaires). La partie consacrée au design et à l’architecture m’étonne particulièrement : On y trouve des Lego, une table d’école, le plan du métro, des meubles… Nous y apprenons par exemple que les Lego ont été imaginés par Godtfred Kirk Christiansen, ou que c’est un Français, Jean Prouvé, qui a dessiné la table d’école sur laquelle des générations d’enfants ont souffert, etc.

Médias, dessins, sculptures, architecture, photographies et peinture, il faudrait y passer des journées entières pour faire le tour des 100 000 oeuvres exposées au MoMA, mais je me promets d’y revenir, ne serait-ce que pour la rassurante linéarité des peintures de Fernand Léger qui me font frémir d’allégresse ! Malheureusement, les cerbères que sont les gardiens du musée, qui s’étaient tenus cois jusqu’alors, se sont transformés en meute aboyante à 17 heures 25, heure de la fermeture, plus le temps de se laisser rassurer par les tracés nets et les couleurs chatoyantes, retour à la réalité : Ici comme ailleurs, les horaires sont les horaires et il n’y a pas d’emportement lyrique qui tienne.

Nous nous reposons quelque temps sur un banc du Central Park en observant les écureuils et en remarquant au passage les nombreuses plaques apposées sur les bancs, plaques dédiées par leurs proches à des New-Yorkais qui passent ou ont passé beaucoup de temps dans le parc. Nous terminons la journée dans un restaurant qui, chose incongrue, n’a que de la bière, de l’eau ou des sodas à proposer à boire – pas une goutte de vin ! Aaargh ! Au moment de payer, la serveuse s’enquiert de la personne pour qui nous allons voter aux élections (the lady or the man ? La femme ou l’homme ?), comme quoi les Américains sont quand même au courant de ce qui se passe en Europe.

Petit panorama de Central Park IMG/flv/P1050415.flv

Par l’intermédiaire de la télévision, je m’étais forgé de New York l’image d’une ville dangereuse et agressive, une sorte de jungle où régnerait la loi du plus fort. J’ai découvert une ville agréable où il fait bon déambuler (en ce qui concerne Manhattan, du moins – nous n’avons pas eu le temps d’en voir plus). Je suppose qu’une politique répressive a été mise en oeuvre, qui a déplacé la misère dans d’autres quartiers, loin des yeux des touristes, et chassé les mendiants des rues et du métro (la ville a d’ailleurs été classée par le FBI ville la plus sûre des États-Unis en 2003). Ce sont donc maintenant les touristes qui font les frais de la suspicion policière, car tout touriste est un terroriste qui s’ignore. Surtout quand il n’y a pas de vin à table !

par Myriam

Photos

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