La fin de la dormance
Le gagnant des 1000 dollars (voir l’article précédent) est « notre » arbre qui, bien sûr, n’est pas à nous (ni à personne d’ailleurs), mais qui se trouve simplement devant chez nous. C’est donc lui qui, en poussant soudain feuilles et fleurs hors des bourgeons, nous a indiqué que le printemps était là : en l’espace de trois jours, on a eu droit au spectacle de l’éclosion et de la floraison de tous ses bourgeons.
Nous avons, tout d’abord, retrouvé le paysage désolé de l’entre deux saisons, le passage de l’hiver au printemps n’étant pas ici une période très attirante : avec la hausse de la température, la neige fond assez rapidement, et on découvre alors les pelouses et autres arbustes "grillés" par le froid, ce qui forme un paysage assez triste de plaines gris-marron sans aucune autre couleur visible.
Début mai cependant, on est déjà en pleine éclosion de verdure à tous les coins de rue, du moins ceux où le béton n’a pas été érigé en maître. Le principal problème lié à cette boulimie municipale de béton sont les pics de chaleur, qui créent de véritables îlots de chaleur au cœur de la ville (jusqu’à 37 degrés Celsius en été : on se souvient de la chaleur de l’été dernier, où les seuls endroits respirables étaient les lieux climatisés et les lieux équipés de ventilateurs, donc : les magasins et notre chambre (l’immense ventilateur au-dessus du lit fut une bénédiction) ! Pour diminuer ces îlots de chaleur, le centre d’écologie urbaine a commencé une campagne de plantation de végétaux dans les endroits où le béton prédomine. Mais, pour l’instant, le mercure est monté au plus haut à 23 degrés (au mois d’avril).
La population est appelée à contribution dans cette campagne. Sur le Plateau, qui a repris ses airs de village (pas de village gaulois, mais plutôt de village du far west), une « campagne d’embellissement » est lancée : tous à vos pelles et à vos râteaux ! On peut ainsi participer à un « échange de bulbes et de vivaces », au « jardinage à la verticale », « inviter la petite faune au jardin », ou encore « découvrir le lombricompostage » (il s’agit du recyclage de matières organiques par de petits lombrics, très pratique pour ceux qui n’ont pas de jardin, car le lombricompostage peut se pratiquer à l’intérieur, dans un récipient fermé, de préférence ! mmmh, qu’est-ce qu’on mange, ce soir ?!). Ça, c’est le côté écolo de Montréal : des éco-quartiers qui tentent de lutter contre le bitume et les gaz d’échappement. Ils sont courageux, les Montréalais, parce que c’est pas gagné !
Autre particularité de la ville : les gens s’installent dehors dès les premiers beaux jours. Chacun sort les chaises sur la rue ou sur les terrasses, seul ou en groupe. C’est ce qui donne cette impression de village, où, enfin, on voit le visage de ses voisins, invisibles durant l’hiver car, entre le 4X4 et l’entrée de la maison (on ne s’attarde pas beaucoup dehors par moins 30 !), on ne voyait qu’un bout de nez qui dépassait tout juste de la couche d’écharpes et de moumoutes indispensables pour lutter contre le froid. Depuis la fonte des neiges, en revanche, tous les Montréalais (sauf les personnes âgées) sortent en T shirt, alors qu’il ne fait que 13 à 15 degrés dehors… Autant dire que nous, couverts comme nous le sommes, passons facilement pour des personnes du troisième âge !
Ceci dit, la village-mania est contrebalancée par la saison de l’asphaltage municipal, qui nous rappelle à notre citadineté (ou citadinerie, pourquoi pas) fondamentale. En ce moment, les asphalteuses de tous poils travaillent à tour de bras : toits, routes, ruelles, trottoirs… On répare, on rapièce, on recouvre de goudron les endroits endommagés (par la neige ou par le froid, sans doute). Les toits, ici, souffrent particulièrement : comme ils sont plats, la neige s’accumule durant l’hiver, puis, à la fonte des neiges, il n’est pas rare que… ploc, ploc, l’eau s’invite gentiment dans votre salon ou, pire, dans votre lit, suivant l’endroit où le toit est endommagé. Bref, il faut donc réparer les dégâts, irréparables durant l’hiver, d’où notre plongeon dans la saison du goudron. Aujourd’hui cependant, le goudron était constellé de fleurs : tous les arbres ont fait leurs feuilles et ont perdu leurs fleurs. pour une fois, le bitume des boulevards est magnifique.
Voici donc les quelques impressions de ce mois de mai, où la vie reprend lentement ses couleurs, et où, miracle, les fleurs montrent leur corolle alors que la neige est encore accumulée au pied de leur tige (c’est ce que j’ai constaté le mois dernier, durant la fonte). Ça fait du bien de voir que, même après le pire des hivers (pour nous pauvre pêcheurs bretons), un printemps est toujours possible.
En témoignage de notre gratitude envers notre mère nature, en plus des habituelles photos, nous vous présentons ci-dessous un diaporama de « notre » arbre à travers les saisons. Nous avons essayé de le prendre sous le même angle à chaque fois, mais nous n’y sommes pas toujours parvenus, malheureusement. Ce qui est remarquable dans ce diaporama, c’est que l’on se rend compte des brusques changements dans la vie de cet arbre : il perd toutes ses feuilles en l’espace de quelques jours (du 6 au 11 novembre), il reste en sommeil durant de nombreux mois (de mi novembre à fin avril) et, au printemps, ses bourgeons s’ouvrent en quelques jours (du 23 au 25 avril). Bienvenue au spectacle de la vie végétale !
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