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Publication le 2009-08-02 00:13:45

Mis à jour le 2023-07-04 19:03:58

Science et environnement

Le changement climatique, Dieu... et les extraterrestres

2 août 2009

Quel est le rapport subtil entre le changement climatique, Dieu et les extraterrestres ? Question absurde de prime abord… Cependant, en y pensant bien… Peut-être le changement climatique met-il l’humanité devant une situation inédite, qui heurte des croyances profondes… et qui pourrait bien l’amener à penser qu’elle n’est pas la seule humanité dans cette vaste galaxie… Oui, pourquoi pas ?

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Le changement climatique…

On parle maintenant beaucoup du changement climatique. Tous les médias, dans tous les pays, nous diffusent régulièrement des nouvelles du climat, généralement catastrophiques, nous exposent les avancées scientifiques, généralement paniquées, et les débats politiques, généralement timorés, voire aveugles. Mais je ne crois pas, non, que nous ayons suffisamment conscience du danger. Je crois que cette idée va encore beaucoup progresser.

Le changement climatique est un problème majeur

Le changement climatique n’est pas un problème environnemental comme un autre. Il est d’un autre ordre. Les pesticides créent des cancers, Tchernobyl a fait quelques morts et beaucoup, beaucoup, de blessés (dont le décompte est flou parce qu’étalé dans le temps et l’espace), le trou dans la couche d’ozone provoque, lui aussi, des cancers, etc. Tout cela est grave, très grave, mais ce n’est rien en comparaison des impacts potentiels du changement climatique.

Quand on suit l’évolution des articles scientifiques, l’escalade des signaux d’alarme est frappante, elle traduit l’emballement du système climatique : sur tous les sujets, la réalité est pire que les prévisions. Le réchauffement des pôles ? La banquise à perdu 30% de sa surface entre l’été 2007 et les minimums des années précédentes. Personne n’avait prévu un phénomène aussi rapide.
L’élévation du niveau des mers ? Un article récent, quoiqu’isolé, évoquait la possibilité d’une hausse bien plus importante que les prévisions actuelles, sur la base d’une étude du climat préhistorique. Les interactions multiples entre les différents mécanismes climatiques ? Elles sont confirmées et inquiétantes.
Quand l’éventualité d’un ralentissement du Gulf Stream a été annoncée par les scientifiques, elle a d’abord été vivement critiquée, elle est maintenant prouvée. On n’en est pas au scénario catastrophe repris par Hollywood dans le film « Le Jour d’après », mais la diminution de la circulation océanique est constatée.

Une question d’équilibre

Nous vivons dans l’illusion d’un environnement stable, résistant à tous les stress que nous pouvons lui infliger. Cette image n’est plus d’actualité, notre poids environnemental est devenu trop important. Pourtant, l’idée a la vie dure. On lit encore beaucoup, dans les écrits des climato-sceptiques, que l’influence des activités humaine ne représente que quelques pourcents des échanges d’énergie dans l’ensemble du système Terre. Certes…

Le problème est que ce système est dans un équilibre instable. Pour preuve les évènements climatiques majeurs que sont les périodes glaciaires, en réponse à des changements mineurs de l’ensoleillement ou de la composition de l’atmosphère.

Pour vous représenter ce qu’est un équilibre instable, imaginez une boule de pétanque placée exactement au sommet d’un support conique très acéré : elle peut tenir, c’est possible, si vous la posez très très délicatement, s’il n’y a pas de vent et aucun tremblement.

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Maintenant, imaginez une mouche qui vient se poser. Ce n’est pas lourd, une mouche, un poids plume… Bon, notre mouche se pose au sommet de la boule, pas de problème… Maintenant, elle se déplace un peu, s’approche dangereusement du bord : pas de problème non plus, elle est trop légère pour faire basculer l’ensemble. Si la pointe conique était parfaite, ce petit poids seul aurait suffit à tout faire basculer, mais rien n’est parfait, il y a des frottements, une tolérance…

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Maintenant, une deuxième mouche se pose… Au début, tout se passe bien : elle s’est posée de l’autre côté de la boule. Mais elle se déplace rapidement pour aller dire bonjour à sa copine…

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Et là, la boule n’en peut plus… Elle commence à être déstabilisée. Les mouches se déplacent, et, selon leur position la boule commence à vaciller imperceptiblement…

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Vous savez ce qui va se passer : d’abord tout doucement puis de plus en plus vite, la boule de pétanque va dévaler la pente.

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Le poids des mouches est négligeable par rapport au poids de la boule et à la force de résistance que le support exerce… Mais cette petite différence de poids suffit à rompre l’équilibre s’il est assez fragile. Je me représente le système climatique de la même façon : au cours des millénaires, le système a atteint un équilibre qui inclut le rayonnement solaire, la constitution de l’atmosphère, etc. De très petites modifications n’y font rien, mais, dès qu’un seuil est dépassé, l’équilibre est rompu et on ne sait pas où l’on va.

L’apprenti équilibriste

Beaucoup de gens pensent que la science nous permettra toujours de trouver des solutions… Souvent, d’ailleurs, ce ne sont pas des scientifiques… Non, la science n’y pourra rien, j’en suis convaincu. Je l’espère même, car, si nous y arrivions, nous pourrions sérieusement envenimer l’affaire.

D’une part, nous sommes loin de comprendre le système Terre dans son ensemble, nos actions se feront donc un peu en aveugle.
D’autre part, répondre à la rupture d’un équilibre par une action est très compliqué… [1]

Pour reprendre notre exemple des mouches, vouloir rétablir l’équilibre serait comme vouloir contrecarrer le poids des deux mouches en positionnant des petits poids sur la boule ! Il faudrait les positionner exactement, qu’ils fassent exactement le bon poids… et les déplacer sans cesse ! C’est tout à fait inenvisageable !

Personnellement, c’est un point qui m’inquiète beaucoup : si un gouvernement, quelque part, décide par exemple d’envoyer des poussières dans la stratosphère pour refroidir la planète, qui pourra l’en empêcher ? Il n’y a pas de gouvernement mondial, il n’y a pas d’instance de régulation… Et, à mon avis, nous partirions dans un chemin qui nous mènera, à terme, vers une planète invivable. Matrix, avez-vous vu Matrix ?

Boule de cristal

Dans quelques dizaines d’années, le monde aura changé, c’est une certitude. Mais une telle annonce n’est pas un argument pour ne rien faire : nos actes dans les dix prochaines années détermineront l’ampleur des bouleversements.

À l’extrême, la Terre pourrait devenir une planète stérile, comme Venus : une planète suffocante sur laquelle toute trace de vie a disparu, brulée par la température et les acides. C’est un extrême, bien sûr, et je ne pense pas que ça puisse être un scénario plausible, actuellement [2]. La vie subsistera, j’en suis sûr. Mais je ne suis pas sûr que la race humaine survive. Et si elle survit, je ne suis pas sûr que l’humanité, la société humaine, survive. Et, finalement, si une société humaine résiste aux impacts du changement climatique, cela m’étonnerait fort que le système politico-économique actuel puisse rester en place.

Sans vouloir jouer les devins (je ne suis pas Jacques Attali), je parierais bien pour le scénario suivant :

  1. Les premiers impacts n’occasionneront directement que quelques soubresauts à l’économie mondiale. Leurs effets indirects pourraient être plus importants : la conscience du problème climatique engendrera des mouvements de rejet des politiques menées jusqu’alors ; en l’absence d’autorité mondiale, différents pays aux priorités très divergentes seront en désaccord profond sur les mesures à prendre, engendrant des conflits.
  2. Un peu plus tard les impacts augmenteront. Un grand nombre de personnes deviendront des réfugiés climatiques, ou des sinistrés climatiques s’ils ne peuvent se réfugier quelque part. La désertification s’étendra dans les pays déjà pauvres en ressources alimentaires. À d’autres endroits, la mer submergera les plaines fertiles, détruisant les moyens de production et rendant l’eau impropre à la consommation. À ce niveau, des conflits ouverts se déclencheront pour l’accès aux ressources.
  3. Si la température augmente encore, les espèces végétales et animales commenceront à disparaître massivement, les sols et les océans deviendront peu à peu stériles. Aucune société humaine ne pourra alors subsister.

Ce dernier point relève du catastrophisme, je le concède. Mais c’est plausible. Ce que je veux surtout mettre en avant ici est l’échelle des impacts : si la vie sur Terre n’est pas en danger, la survie des sociétés « démocratiques » l’est.

Un problème global de limites

Et s’il n’y avait que le climat ! On pourrait le traiter comme un problème particulier, un simple problème à résoudre. Mais il y a tout le reste !

Nous consommons chaque ressource à une vitesse hallucinante. Chaque secteur que nous exploitons se retrouve rapidement exsangue. Les petits pécheurs du siècle dernier sont devenus des mareyeurs hyper-équipés, qui brûlent une énergie énorme pour aller chercher des poissons toujours plus loin, toujours plus profond, et en ramener toujours plus. Il n’y aura bientôt plus rien à pécher… Comme il n’y a déjà plus de morue à Terre-Neuve, comme il n’y a presque plus de thon rouge…

Nous tentons de remplacer le pétrole par des biocarburants : les prix de l’alimentation flambent parce qu’il n’y a pas assez de surface pour produire à la fois du carburant et des aliments. Dans tous les secteurs nous spolions la planète, nous la laissons exsangue. Parce que nous sommes trop nombreux et trop gourmands.

Le réel problème est là, et il est global : nous vivons sur une planète limitée, dans un espace confiné, et nous sommes trop nombreux, ou trop gourmands.

Imaginez que vous voguez sur un petit bateau, une barque… Dans ce contexte, tout le monde tombera d’accord pour dire que la barque ne peut accueillir qu’un nombre limité de personnes. Il y a la place physique bien sûr, mais également le problème de l’équilibre, et celui des ressources en eau douce : les récipients disposés pour récupérer l’eau de pluie ne peuvent servir à désaltérer qu’un nombre limité d’individus. Oui, dans ce cas c’est évident.

Le problème est exactement le même pour la planète : nous vivons sur un amas de roches isolé dans l’univers, recevant une quantité déterminée d’énergie en provenance du soleil et ne contenant que ce que cette énergie a pu produire depuis sa formation. Notre barque planétaire est certes vaste, mais néanmoins limitée !

Beaucoup de gens pensent que tout ça n’est qu’un faux problème : depuis des siècles, les Cassandres parlent des limites de l’environnement et de la surpopulation, jusqu’ici, nous avons toujours trouvé des solutions. « Jusqu’ici tout va bien… » Je pense pour ma part que, si nous avons trouvé des solutions, le problème n’en reste pas moins posé. Nous pouvons optimiser, être plus performants, mais tout a une limite… Le mouvement perpétuel n’existe pas.

L’économie libérale au pied du mur

J’y reviendrai plus longuement dans un prochain article, mais je ne résiste pas à l’envie d’ébaucher ici une première charge contre l’économie libérale et le capitalisme.
Qu’est-ce qui a produit cette frénésie de consommation, cette voracité démesurée et irresponsable de la race humaine ? Il est clair que c’est l’idéologie capitaliste qui gère le monde depuis un petit siècle :

  1. Un des fondements du système dans lequel nous vivons est la propriété privée : tout ce qui peut être monnayable ou tomber sous le coup d’une loi doit avoir un propriétaire. L’air que nous respirons, comme le pétrole qui gît [3] dans le sous-sol de la Terre n’appartiennent à personne. Un poisson qui vit paisiblement dans le vaste océan n’appartient à personne. L’air, le pétrole et le poisson sont donc gratuits ! Pourtant, si une personne pollue l’air, extrait du pétrole ou pêche le poisson, elle consomme une ressource qui pourrait manquer à une autre. Tout est alors question de limite : dans un monde illimité, pas de problème, il en restera assez pour tout le monde ; mais dans un monde limité…
  2. Un autre principe est celui de la concurrence, et son corollaire : la surenchère. La concurrence pousse à la consommation, à dépasser les besoins initiaux pour ouvrir de nouveaux marchés. Elle pousse également à réduire les coûts, quitte à externaliser ceux-ci sur la biosphère. Là encore, tout est un problème de limite : dans un monde illimité, la croissance éternelle serait envisageable, dans un monde limité, elle ne l’est plus. La concurrence pose également un gros problème pour mettre en place des économies cycliques, qui nécessitent un degré important de coopération entre les acteurs économiques.

Au contraire, pour adapter notre façon de vivre à un environnement limité, il faudrait :

  1. Considérer que tout ce qui n’appartient à personne appartient à tout le monde. Par exemple introduire dans l’économie le coût de la consommation d’une ressource naturelle, en partant du principe que, si une personne consomme une ressource, elle en prive du même coup l’ensemble de l’humanité actuelle et à venir.
  2. Nous limiter à nos besoins principaux, ne plus chercher à gonfler artificiellement notre consommation et donc notre poids sur la biosphère. Dans cette optique, il serait bon d’interdire ou de très fortement limiter la publicité, qui suggère des besoins nouveaux.
  3. Créer une société de coopération qui cherchera en toute situation la solution la moins coûteuse pour l’environnement : bouclage des flux, réutilisation, recyclage, standardisation, etc.

Ces propositions vont à l’encontre de l’idéologie capitaliste représentée par la propriété privée et l’individualisme compétitif. On pourrait essayer d’adapter le système économique en place pour prendre en compte certains de ces points, c’est ce qui est ébauché avec les « permis de polluer », qui introduisent dans le système économique le coût de la pollution. Mais je ne pense pas que l’on puisse aller assez loin dans cette voie, car il y a une opposition bien plus profonde, touchant aux valeurs, à la conception philosophique du monde.

Dire que les ressources appartiennent à tout le monde revient à limiter le principe de propriété privée : on peut posséder un terrain, mais si l’on consomme ce qu’il recèle ou produit, il faudra s’acquitter d’une taxe. Et, en poussant à l’extrême, pourquoi quelqu’un aurait-il le droit de s’approprier une vue, un emplacement idyllique ? La beauté du monde ne peut-elle pas, elle-aussi, être considérée comme un bien commun ?

Dire qu’il faut limiter notre consommation aux besoins [4], c’est également dire que le modèle de réussite sociale ne peut plus être basé sur la possession. C’est changer de modèle.


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Dieu…

Tout ce que je vous ai raconté jusqu’ici ne doit pas être nouveau pour vous : les scientifiques le rabâchent, vainement, mais ils le rabâchent. Alors, pourquoi ne se passe-t-il rien ? Pourquoi continuons-nous benoîtement dans la même direction ? Parce qu’il est très dur d’en changer…

Changer de mode de vie

En premier lieu, il nous faudra changer de mode de vie. Je ne dis pas « faudrait », mais « faudra », car, qu’on le veuille ou non, ces changements se feront, il ne peut en être autrement. Changer de mode de vie pour consommer moins, gaspiller moins, polluer moins.

Toutes les infrastructures de notre société sont basées sur la disponibilité d’une énergie peu chère et sur la possibilité de se servir de l’environnement comme d’un dépotoir. Prenez par exemple la constitution d’une ville :

  • Les quartiers sont spécialisés : dans l’un on dort, dans l’autre on travaille, dans un autre encore, on fait ses courses. Entre ces quartiers, il faut constamment se déplacer. Une ville économe serait organisée autrement, avec une bien plus grande mixité des activités qui réduirait les transports.
  • Pour chercher la qualité de vie, on s’expatrie en périphérie. Or, là aussi, se pose le problème du transport. Ce ne sera agréable pour personne, mais un immeuble en centre ville est beaucoup plus économe qu’un pavillon en banlieue.

Notre consommation, elle aussi devra changer : finis les fruits exotiques toute l’année, il faudra se contenter des fruits et légumes de saison produits près de notre lieu de résidence. Finie aussi la consommation excessive de viande : en terme d’impact sur l’environnement, la production d’un kilo de bœuf coûte énormément plus cher qu’un kilo de soja.

Changer de philosophie

Plus profondément, c’est la conception philosophique de la société et de l’humain qui devra changer.

Notre société s’est construite sur des croyances : la foi en l’humain en tant qu’être extérieur au reste de la création, la foi en la science et le credo économiste.

La foi en l’humain

Il y a deux ans, j’ai lu un livre écrit par une économiste censée mettre les choses au point concernant le dérèglement climatique, je ne reviens pas sur l’ensemble, j’avais déjà pondu un article très énervé dessus (Chic, un mur ! Fonçons !). Mais je me souviens encore d’un passage qui m’avait profondément choqué : l’auteure se posait en humaniste et accusait les écologistes de nier les valeurs humanistes car ils ne croient pas en la capacité créatrice de l’humain. Je fus profondément choqué car je me considère tout à fait comme humaniste, c’est même le seul courant de pensée dans lequel je me reconnais.

Certes, on peut avoir une croyance irraisonnée en la capacité de l’humain à surmonter les problèmes qu’il rencontre. On peut avoir cette foi en la science, croire au progrès continu. Mais je ne crois pas que ce soit ça, l’humanisme. J’y reviendrai dans la suite.

Tout dépend de ce qu’on appelle un humain : soit on parle d’un humain d’essence divine, dominant la nature, prédateur, soit on parle d’un humain intégré dans son environnement.
L’humain, tel que le considèrent les bouddhistes ou les Amérindiens n’est pas extérieur à l’environnement, il en fait partie, il en est le fruit, ou un des fruits.

La foi en la science

D’abord, depuis quelques siècles, sur le progrès apporté par la science. Nous vivons encore sur l’idée que la science pourra régler la plupart des problèmes qui se présenteront. Pourtant, la science elle aussi a ses limites.

Quand nos aïeux ont craint que la production agricole ne puisse alimenter la population entière, la science est intervenue pour mécaniser l’agriculture, puis, après la seconde guerre mondiale, la « révolution verte » a permis d’augmenter la production agricole dans des proportions considérables, tout en augmentant dans les mêmes proportions son impact sur l’environnement. Cette « révolution » a permis une augmentation sans précédent de la population.

Mais la science ne pourra pas solutionner tous nos problèmes. Un des principes fondateurs de la science est l’axiome « rien ne se perd, rien ne se crée », donc, dans un environnement confiné, il faut forcément se contenter de ce qui se trouve dans l’enceinte de confinement. La science ne pourra rien contre cette évidence.

La maîtrise de la fusion nucléaire pourrait nous apporter un bol d’air, avec une énergie quasiment illimitée. Ce ne serait pas une énergie renouvelable à proprement parler, les atomes fusionnés n’existant plus sous la même forme, mais d’une échelle si longue qu’on pourrait s’accommoder de cette limite. Mais nous nous heurterions alors à toutes les autres limites : la pénurie des ressources alimentaires, la limite d’absorption de l’atmosphère. Il faudrait avoir recours au dessalement de l’eau de mer pour produire de l’eau douce, à la production de nourriture de synthèse, à la géo-ingénierie pour réguler le climat. Mais quels seront les impacts de ces ingérences dans la gestion planétaires ? Quel serait, par exemple, l’impact du dessalement massif de l’eau de mer ?

On peut avoir foi en ces solutions, je le concède. Mais on peut aussi douter… La marche victorieuse de la science nous a déjà mis dans une situation inconfortable, avec un avenir assombri.
Nous découvrons maintenant les effets de « solutions » apportées il y a trente ans :

  • Les effets pervers de l’emploi des pesticides sur la biodiversité, dont les populations d’abeilles pourtant nécessaires à l’agriculture.
  • Les effets de l’élevage intensif sur les maladies animales, qui peuvent parfois se propager à la population humaine : vache folle, grippe aviaire, grippe porcine…

Nous découvrirons dans trente ans les effets des innovations d’aujourd’hui comme les OGM.

Alors peut-on encore avoir foi en cette science aveugle, trop vite tombée entre les mains avides des industriels ? Pour ma part je n’y crois plus. Je pense au contraire qu’il faut revenir à plus de raison et plus de précautions. Plus d’humilité face à ce que nous ne connaissons pas. J’ai déjà évoqué plus haut le problème de la géo-ingénierie, qui voudrait manipuler le climat pour résoudre le problème du réchauffement : nos connaissances sont beaucoup trop faibles pour nous lancer dans un tel pari ! À vouloir stabiliser une machine climatique que nous ne comprenons pas, nous pourrions la dérégler encore plus profondément.

Un jour, dans un vieux magasine, je suis tombé sur une publicité pour un dentifrice révolutionnaire qui ferait briller vos dents d’un éclat inimitable… un dentifrice radioactif ! Conclusion : il faut se méfier des découvertes trop fraîches.

Le credo économiste

Ensuite, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, nous vivons sur l’espoir d’une croissance continue. Cette croissance, elle est pratique : elle permettra d’éponger aussi bien les dettes de l’état que celles des particuliers en diminuant mathématiquement leur valeur.

Ce concept de croissance continue m’a toujours sidéré : comment peut-on envisager une croissance continue, donc infinie ? Surtout dans un monde limité ! Non, la croissance ne pourra jamais se prolonger. Quand l’ensemble des pays de la planète auront atteint un niveau de vie homogène, quand toutes les ressources seront en exploitation, je ne vois pas d’où viendrait la croissance.

Il n’y a plus d’Amérique à découvrir, j’aime bien cette expression… Il y a quelques siècles, l’Europe stagnait, mais quand on découvrit l’Amérique, cela permit de doper la croissance, effectivement : des émigrants partirent, exploitèrent de nouvelles ressources et eurent besoin de produits venus d’Europe. Plus proche de nous, le plan Marshall permit au États-Unis de stimuler leur économie en inondant le monde de produits manufacturés. La croissance s’est ainsi toujours bâtie sur des différentiels. Aujourd’hui encore, le pouvoir d’achat des habitants des pays occidentaux est artificiellement maintenu par les bas salaires des habitants du tiers monde qui fabriquent à peu près tout ce que nous consommons.

Une nouvelle philosophie ?

Cette philosophie du progrès matériel ne peut pas tenir le coup sur une longue période. Elle n’est pas pérenne. Au contraire, nous devrons adopter une philosophie de la stabilité matérielle : un équilibre avec notre environnement. C’est la seule voie possible si on accepte l’idée de vivre dans un environnement limité.
Je ne parle pas d’immobilisme, car de nombreuses voies de progrès ne sont pas matérielles : le progrès spirituel, la connaissance de l’univers, de notre corps, l’art… Malraux disait que le vingt-et-unième siècle serait spirituel ou ne serait pas, je le rejoins : il est temps que le progrès de l’humanité prenne une autre voie.

Yves Cochet :
Le modèle du monde qui habite le cerveau de l’occidental moyen est que le marché, la technologie et l’inventivité humaine parviendront à résoudre les problèmes qu’affronte aujourd’hui l’humanité, notamment la fin des énergies fossiles à bon marché et le changement climatique. Quel aveuglement ! Si nous voulons conserver les valeurs cardinales de notre civilisation que sont la paix, la solidarité et la démocratie, nous n’avons pas d’autre choix que celui de la décroissance rapide de l’empreinte écologique des sociétés industrielles, en particulier la décroissance de notre consommation d’énergies fossiles. Contre l’évidence des limites géophysiques de notre planète, les rêves des théologiens de la croissance continuent, même après le Grenelle de l’environnement. Les rêves des technophiles.
Tribune publiée dans les pages Débats du Monde. Mercredi 28 novembre 2007
http://www.yvescochet.net/wordpress…

La foi en Dieu

Je tourne autour depuis un moment, alors venons-en au fait : je pense que, si beaucoup de nos concitoyens ne peuvent accepter les sombres tableaux que j’ai peints dans la première partie, et les nécessaires changements qu’ils appellent, c’est que cela remet profondément en cause les croyances les plus solidement ancrées.

Les sociétés occidentales ce sont développées sans égard pour leur environnement, comme des prédateurs, ou plus exactement comme des hôtes d’un monde créé pour eux par des divinités variées. L’humain est un être élu.
Tout au long de notre histoire, nous n’avons cessé de pécher par vanité : nous habitions au centre d’un monde plat, tout l’univers n’existant que pour l’éclairer de jour comme de nuit, puis nous avons habité une sphère située au centre de l’univers, puis, enfin, nous avons admis que notre planète tournait autour du soleil. Cela paraît simple, maintenant, mais beaucoup de gens ont été brûlés parce qu’ils ont osé être précurseurs !

Alors peut-on maintenant imaginer que nous ne sommes que les hôtes d’une planète qui suit ses propres règles, qui n’est en rien là pour nous servir… et que nous pourrions très bien en disparaître ? Est-ce une idée envisageable ? Est-ce que l’humanité, d’essence divine, pourrait disparaître à jamais de la surface de la Terre et de l’univers ? Il semble que non, ce n’est pas envisageable. Si nombre de gens affirment sans hésiter que « nous trouverons bien une solution », si l’économiste dont je parlais plus haut affirmait que les écologistes ne croient pas assez en l’humain, c’est tout simplement parce que, pour eux, aucune autre issue n’est envisageable.

Et si la catastrophe n’est pas envisageable, pourquoi s’en soucier ? Continuons comme avant, Dieu reconnaîtra les siens ! Et pourtant, pourtant… l’urgence planétaire est là, devant nous, à tout juste quelques dizaines d’années, peut-être moins encore…
Il a fallu grosso-modo un siècle pour que l’Europe chrétienne accepte l’héliocentrisme, entre Copernic et Galilée, faudra-t-il autant de tant pour qu’émerge sur la Terre une conscience planétaire ? Nous n’avons pas ce temps.

Il est urgent que nous mutions, que nous changions radicalement d’optique. Une fois de plus, il nous faut descendre de notre piédestal, admettre, avec Lovelock, que la Terre est un être vivant et que nous n’en sommes qu’un des habitants. Il faut admettre que nous ne sommes pas des êtres en visite dans un monde créé pour nous, nous faisons partie de ce monde, nous en sommes simplement un des fruits.

Je ne prétends pas restreindre l’homme à la stricte condition animale. Nous sommes des êtres pensants, certes, nous sommes des êtres créateurs (voir à ce propos Johnny Milou). Mais cela ne signifie pas que nous sommes séparés du monde. L’ensemble de l’univers, et la Terre dans cet univers, nous a amenés là où nous sommes.

On pourrait dire qu’il s’agit de tirer un trait sur deux mille ans de christianisme, mais je ne suis pas sûr que cela suffise. Peut-être tirer un trait sur quelques milliers d’années de monothéisme ? Car, avec le monothéisme, nous avons personnifié un dieu à notre image, et, dès lors, nous nous sommes posés en êtres surnaturels, au-dessus, ou en dehors, de la nature. C’est cette scission qu’il faut renier. Nous devons impérativement vivre en symbiose avec notre environnement, simplement parce qu’aucun autre n’est disponible.

Or la symbiose requiert de l’humilité, un partage, une estime mutuelle. Tout cela guidé par la nécessité, bien sûr, mais néanmoins réel. Nous ne pourrons continuer à nous nourrir des fruits de la Terre si nous éradiquons les abeilles. Nous ne pourrons vivre d’amour et d’eau fraîche si nous polluons l’eau douce. Nous ne pourrons plus vivre tout court si la température moyenne de la Terre s’élève de plus de cinq degrés.

En somme, ce qu’il nous faut faire, c’est prendre conscience que nous sommes une humanité embarquée sur un petit bout de roche, que nous ne pouvons nous réfugier nulle-part, et que nous devons impérativement faire avec ce que nous avons.
Nous devons devenir une humanité planétaire…


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Et les extra-terrestres

Une humanité planétaire

Une humanité planétaire, c’est d’abord une humanité qui a conscience des limites de son environnement, bien sûr. C’est à partir de cette nécessité que j’en suis arrivé à cette formulation.

L’humanité a besoin de vivre en symbiose avec son environnement pour l’économiser au maximum, pour aujourd’hui comme pour les générations à venir. Nous nous nourrissons de l’environnement, et pour cela nous devons l’entretenir, donner à la Terre pour qu’elle nous rende.
Nous sommes exactement dans la même situation que les passagers de l’enterprise [5] en dérive dans l’univers : dans un monde clos qui ne peut compter sur aucune ressource extérieure. Et dans cette situation, il faut ménager nos maigres ressources pour qu’elles puissent encore nourrir nos enfants.

Mais il n’y a pas que l’environnement… Il y a la façon de l’utiliser. Afin de tirer le meilleur parti de nos maigres ressources, la meilleure solution est de coopérer [6]. La compétition engendre le gaspillage. La compétition engendre la surenchère.

Et, finalement, une humanité planétaire doit soigner ses relations internes : quand l’un de nous consomme au-delà de ses besoins, un autre ne peut satisfaire les siens. Et, s’il y a des tensions, il y aura des conflits. Les conflits, eux aussi, génèrent beaucoup de gaspillage, car ce sont des situations dans lesquelles les moyens importent peu, pourvu qu’on atteigne le but.

Une humanité planétaire doit évoluer vers la modération, vers la coopération et vers la justice… Ce n’est pas un idéal, c’est la seule voie possible dans un environnement restreint.

Enfin… presque la seule… Il y en a une autre : exterminer la moitié de l’humanité. Et encore… Il ne faudrait pas se tromper de moitié, car certains consommeraient encore beaucoup trop s’ils étaient seuls sur la planète ! Vous sentez-vous prêts à défendre cette idée ?

Parmi d’autres humanités…

Le problème du changement climatique est donc porteur, certes, d’une grande peur, mais il peut aussi être un espoir. Il pourrait être l’occasion d’une prise de conscience, au mieux de façon anticipée, préventive, au pire par la force des choses. Prise de conscience que l’humanité n’est pas protégée, comme le serait le chef-d’œuvre d’un Dieu. L’humanité peut disparaître, se suicider. Prise de conscience également que, du coup, elle ne serait qu’un des essais de cette divinité dans l’immensité de l’univers.

Je reprends : si nous pouvons disparaître, c’est que nous n’avons pas l’importance du chef-d’œuvre, nous sommes seuls responsables de notre planète. Je n’en conclus pas qu’aucun dieu n’existe, mais que l’essence divine tente de croître partout dans l’univers. Comme un jardinier plante en excès pour tenir compte des aléas, Dieu sèmerait la vie sur de multiples planètes… pour faire face aux aléas du développement complexe de la conscience.

Je me méfie des images de Dieu : elles sont une vision anthropocentrique d’une réalité qui me dépasse. Pour ma part, je préfère dire que le développement de la conscience est un mécanisme inhérent à l’univers, comme l’agrégation de la matière sous l’effet de la gravitation. Par essence, ce mécanisme agit partout dans l’univers, la Terre, et nous, n’en sommes donc qu’une des manifestations.

Mais au fond, peu importent les mots dans cette histoire. Le fond, c’est la prise de conscience de notre fragilité et de notre responsabilité. De notre isolement dans l’espace. Le fond, c’est qu’en faisant cela, nous serons fatalement amenés à regarder l’univers. Nous deviendrons une planète vivante, unifiée, parce que nous sommes tous sur le même radeau de la même Méduse. Il y a nous, et il y a les autres, hypothétiques, ces autres Terres qui abritent peut-être d’autres essais, des frères d’infortune qui devront courir les mêmes risques, ou qui y ont déjà survécu. Des petits frères ou des grands frères.

Certains regarderont l’univers pour trouver un nouveau havre, un autre radeau. D’autres le regarderont avec l’espoir qu’une main secourable sortira des ténèbres, ce sera la prolongation de l’idée de Dieu. D’autres encore, comme moi, regarderont avec fascination ces espaces infinis, avec à la fois l’envie d’y aller, exaltés par l’idée de découvrir d’autres civilisations, d’autres visions de la vie, mais aussi avec l’espoir que quelqu’un, autour d’une de ces étoiles, se dira qu’il faudrait peut-être venir secouer les consciences de la Terre, accélérer le processus pour que la planète et son humanité survivent. Car, à l’inverse, une preuve de l’existence d’une vie extraterrestre serait probablement un catalyseur pour la prise de conscience de notre situation et du risque d’extinction qui pend au dessus de nos têtes comme une épée de Damoclès.

Mais, en tout cas, nous regarderons l’univers, tous, comme nos ancêtres regardaient l’horizon. Nous serons un peuple planétaire, et nous serons prêts à en découvrir d’autres.

Fabrice

[1] C’est pour cela que les automaticiens planchent depuis des décennies pour faire marcher des robots sur deux jambes : la marche est une suite de chutes, de pertes d’équilibre. Beaucoup d’équipes se sont tournées vers des solutions plus simple : la marche des araignées, par exemple, qui, elle, est en perpétuel équilibre.

[2] Voir le livre de Hubert Reeves « Mal de Terre », qui décrit bien ces scénarios catastrophe.

[3] J’utilise le verbe « giser » volontairement : le pétrole provient d’êtres vivants morts…

[4] Je pense à une phrase de Gandhi : « Si tout le monde se contentait de ce dont il a besoin, le monde irait beaucoup mieux »

[5] Dans Star Trek, pour ceux qui n’auraient pas cette culture…

[6] Cela fait des années que je lis des articles scientifiques qui prouvent que la coopération est plus efficace que la compétition… Allez savoir pourquoi, malgré tout, nous vivons encore dans une société basée sur la compétition !

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