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20.

Vania.

Je n'ai pas pu lui montrer le transmetteur avant le lendemain matin. Entre-temps nous nous sommes enlacés, nous nous sommes embrassés, et nous avons dormi. Je devais être un peu fatigué.

Mais j'y ai pensé dès le réveil, au transmetteur. Je me suis levé rapidement et je l'ai déposé mine de rien au milieu de la table.

Elle l'a vu en s'asseyant devant le café que je venais de servir.

« Quoi c'est ce truc ? »

Le matin, elle a du mal à se réveiller. Alors les mots sortent comme ils peuvent. Des fois, il y en a un qui est plus pressé que les autres, qui les devance tous, on ne sait pas pourquoi.

« Ça être un téléphone à extraterrestres… »

Mais moi le matin, je me réveille vite, alors j'aime bien la taquiner un petit peu… Ça se passe bien quand elle n'est pas de trop mauvaise humeur.

Ce matin, ça va, et avec tout ce que je lui ai raconté hier, elle est un peu curieuse, l’étonnement à fleur de peau.

Elle regarde le truc, moitié intéressée, moitié méfiante. Comme une jeune chatte qui découvre un bouchon de champagne, qui s’en approche furtivement, le flaire, puis tente un coup de patte. Vania, elle, se décide à saisir l’engin, le porte à son oreille, comme un téléphone, attend un peu, me jette un coup d'œil indéfinissable, puis semble tout à coup absorbée par une voix dans le combiné. Elle répond.

« Allô ? Monsieur l’extraterrestre ? Oui… Je suis Vania. Et je voudrais vous dire qu’il faudrait arrêter de faire voir des trucs pas possibles à Johnny, il va finir par craquer… »

Au début j’ai réellement pensé qu’elle avait mis le transmetteur en marche, mais je n’ai pas voulu y croire, et j’ai eu raison.

J’ai tout de même simulé l’énervement, pour poursuivre le jeu.

« Mais tu es folle, ma pauvre fille ! Il ne faut pas faire n’importe quoi avec ça ! »

Elle rit, puis je lui explique comment ça marche. Enfin, plus exactement ce qu’il faut faire pour l’utiliser, je suis loin de comprendre le fonctionnement interne de l'engin.

C’est très simple. Quand on appuie sur le bouton, il cherche une connexion vers la base-derrière-la-lune et on doit voir Hermès apparaître, s’il est disponible. S’il n’est pas disponible, ou si la base est temporairement inaccessible, il y a juste un pictogramme d’alerte, et on peut laisser un message.

Il est extrêmement simple d'entrer en contact avec des extraterrestres quand on dispose de l’appareil adéquat...

« D’accord, dit-elle quand j’ai fini mon explication. Et, ton Hermès, dans quelle langue lui parles-tu ?

- Il parle très bien la nôtre… Il a appris plusieurs langues terriennes dans le cadre de son boulot…

- Ça tombe bien, ironise-t-elle.

- Oui, ça tombe bien, mais avoue que ce n’est pas totalement stupide. Si ces gars viennent étudier la Terre, et s’ils ne veulent pas être reconnus, il faut bien qu’ils apprennent nos langues… Non ?

- Oui, oui… C’est plutôt logique… »

Elle joue avec le transmetteur, le fait osciller entre deux doigts, comme s'il s'agissait d'un banal jouet. Je me dis que ce truc a une importance énorme pour moi. Et juste après je me dis que Vania a plus d'importance encore. Il m'importe qu'elle fasse ce qu'elle veut, et je lui fais confiance, elle est comme une partie de moi.

Finalement elle repose l'engin sur la table, le repousse vers le milieu et change de sujet. Malgré tout l'amour que je lui porte, je suis soulagé.

« Et d’ailleurs, au Chili, tu n’as pas eu de problème avec la langue ?

- Non, pas du tout. En fait tout le monde parle un peu anglais, un peu espagnol ou un peu français, alors l’un dans l’autre on arrive à se comprendre… On finit par parler un genre de patois international, un mélange des langues les plus connues. Et au bout du compte on n'y fait même plus attention, on se comprend, c’est tout. Je serais même bien incapable de te dire qui parlait quoi !

- Ah, d’accord… Je ne pensais pas que ça pouvait être aussi simple.

- Moi non plus, mais en fait, là-bas, je n'y ai jamais vraiment pensé. Même sans comprendre les mots, il reste les gestes, les expressions… C’est souvent suffisant… »

Vania est de nouveau pensive. Elle reprend le transmetteur et le regarde sous toutes les coutures. Elle vient certainement de réaliser que je ne délirais pas totalement, que c'est bien un téléphone extraterrestre.

« Donc, tu dis que cet appareil t’a été donné par un extraterrestre qui se nomme Hermès…

- Oui… Enfin il m’a dit de l’appeler Hermès, son vrai nom n’est pas prononçable dans notre langue…

- Soit, peu importe…

- Non, mais je précise… Vu que tu trouves déjà bizarre qu’il ait une apparence humaine, qu’il parle une langue de la Terre et qu’il se dise humain, je ne voudrais pas, en plus, que tu aies des doutes quant à son nom…

- Oui, d’accord, il porte un autre nom, un vrai nom d’extraterrestre, mais il t’a dit de l’appeler Hermès…

- Voilà…

- Mais alors, si c’est ça, il te suffit de me faire parler avec lui pour me convaincre…

- Oui, ça suffirait certainement… Mais je voudrais faire mieux, je voudrais que tu le rencontres…

- Waouh… Carrément ?

- Oui, ça serait le mieux… Non ?

- Oui, si tu veux… Vas-y, appelle-le…

- Non… Je ne peux pas faire ça…

- Pourquoi ? Ça ne marche pas ?

- Si, si… Ça doit marcher… Mais il m’a dit de ne pas l’utiliser à la légère, de ne le faire que si j’ai réellement quelque chose à dire… C’est que, tu vois, d’après ce que j’ai compris, il n’a pas tout le temps qu’il souhaite pour s’occuper de nous…

- Ah… Tu réalises que, en disant ça, tu diminues fortement ton crédit confiance ?

- Oui, peut-être… Mais enfin, toi aussi tu pourrais essayer de me faire confiance… Il m’a chargé de faire des enquêtes sur terre… Il faut d’abord que je le fasse, on l’appellera dès qu’on aura quelques résultats...

- Ah bon ? Tu ne me l’avais pas encore dit, ça…

- Je t’expliquerai…

- Ah non ! Explique-moi tout de suite… Pourquoi voudrais-tu attendre ?

- Simplement parce que je ne peux rien t'expliquer… Je n'ai pas encore regardé ce qu'il m'a donné… Enfin pas dans le détail…

- Et comment sais-tu que tu as quelque chose à faire alors ?

- Ben… Hermès m'a seulement dit qu'il aimerait bien que je fasse des sondages auprès de mes concitoyens… Et il m'a donné une enveloppe avec plein de documents. Mais je n'ai encore rien lu…

- Et tu n'es pas curieux de savoir de quoi ça parle ?

- Si… Maintenant que tu m'y fais penser, oui… J'avais un peu oublié cette histoire, pour tout te dire… »

En finissant la phrase, je me lève pour aller chercher les dits documents dans mon sac. Je réalise que je ne sais absolument pas comment m'y prendre pour faire des sondages.

« Tu as déjà fait des sondages, toi ?

- Non, jamais…

- Je suppose qu'il faut juste se mettre quelque part dans la rue et demander aux gens s'ils veulent bien répondre à nos questions…

- Oui, comme tout le monde le fait… Mais il faut surtout s'armer de patience et ne pas se laisser affecter par les refus, qu'ils soient polis ou hautains…

- Et faut savoir où se mettre. Ça doit être assez important, le choix de la place…

- Oui. Oh, Johnny ! Arrête de chercher les problèmes, regardons plutôt de quoi il s'agit… Je suis sûre qu'en lisant les questions tu sauras où aller… »

Elle doit avoir raison. Vania a toujours raison. Du moins dans tous les choix de la vie quotidienne, pour le reste, je suis moins catégorique. Par exemple, elle a eu tort de ne pas me croire immédiatement quand je suis revenu du Chili.

Hermès m'a donné les questionnaires dans une grande enveloppe de papier kraft. Vania sort les feuilles, une grosse liasse.

Il y a une page d'explication et une centaine de questionnaires. Je suis rassuré en constatant qu'il n'y a pas plus d'une dizaine de questions par feuille, certaines avec des dessins ou des photos.

Vania a pris la note explicative, et entreprend de la lire avec attention. J'attends qu'elle relève les yeux, je ne voudrais pas l'empêcher de trouver une idée lumineuse.

« Eh bien tu vois, pas la peine de se tracasser, tout est dit là-dedans… Ils expliquent même comment tu dois t'adresser aux gens, ce que tu dois dire exactement… Il ne te reste qu'à le faire… »

Elle agite la feuille devant elle, la regarde avec un air à moitié dégoûté.

« Ils nous prennent vraiment pour des cons, ces extraterrestres… »

 

C'est facile à dire, mais, à faire, c'est tout de même une petite galère, et je suis content d'avoir des instructions détaillées.

Je suis immobile, debout sur le trottoir, devant un centre commercial. Un flot humain me contourne, comme une rivière contourne un obstacle. Quelquefois, un coude ou un pied me heurte, égaré.

J'ai déjà beaucoup de mal à croiser un regard, je n'espère même plus capter l'attention de quelqu'un, ni arriver à débiter mon laïus. Quant à convaincre la malheureuse victime de passer quelques minutes à me répondre, je n'ai encore jamais approché ce rêve.

Lassé, je décide de faire une pause, d'aller un peu à l'écart pour fumer une clope et téléphoner à Vania. Quand je ne sais pas quoi faire, je téléphone à Vania, ça me repose, et elle est souvent de bon conseil.

Je lui fais part de ma mauvaise humeur, ce qui n'est pas très engageant pour un début de conversation. Elle m'écoute patiemment, puis m'explique que je suis un abruti, que les gens font ce qu'ils peuvent, et que si je me mets à un endroit où ils sont pressés, ils ne s'arrêteront jamais, forcément. Il paraît que c'est logique.

Je finis ma clope, à moitié énervé de me faire traiter d'abruti à toute heure, à moitié soulagé d'avoir une déesse du bon sens à portée de téléphone.

 

Le soir, j'ai réussi à remplir une dizaine de questionnaires. Je trouve que c'est bien, mais je suis effrayé par les quatre-vingt-dix restants.

Je me sens aussi passablement énervé. Toute la journée je me suis fait envoyer paître. Toute la journée j'ai croisé des humains qui ne me voyaient pas. J'étais pourtant sur leur chemin, en plein devant. Je m'adressais à eux, je m'avançais avec un sourire, je disais bonjour. Mais rien, ils ne me voyaient pas, pour la plupart. Ils ne m'entendaient pas, ils ne voulaient rien connaître de mon existence.

Quelques-uns agitaient la main comme pour chasser un insecte.

Quand je suis parti vers des endroits plus calmes, des parcs, des terrasses, j'ai pu parler avec une cinquantaine de personnes. Quand je dis parler, je veux dire qu'ils m'ont au moins regardé et écouté quelques secondes.

Et, sur l'ensemble, une dizaine a bien voulu répondre aux questions, ce qui est un score honorable.

Tous m'ont demandé la finalité du sondage. Hermès avait prévu la question, je répondais donc invariablement qu'il s'agissait de tests psychologiques destinés à déceler les tendances de la mode. Ça marchait très bien, chacun se sentait important, convaincu de participer à l'élaboration des nouvelles tendances.

 

Je dois avouer que je n'ai moi-même pas bien compris la finalité réelle du sondage.

La première question est très directe, elle concerne l'existence d'êtres extraterrestres intelligents. Le cobaye doit choisir parmi cinq réponses qui vont de « C'est impossible » à « C'est réel ».

Jusque-là tout va bien. Mais je ne vois aucun rapport entre cette question, qui exprime bien le sujet, et les suivantes. Hermès m'a cependant bien précisé de poser les dix questions, dans l'ordre. Si une seule réponse manque, le questionnaire entier est inutilisable.

Dans la seconde question, on doit choisir le type de personne par laquelle on préférerait être dirigé, les réponses vont du militaire à l'enfant. Les deux me semblent stupides, je choisirais le scientifique.

Pour le reste, il s'agit de photos ou de dessins. La plupart sont des choix multiples, sauf les deux derniers pour lesquels il faut demander à la personne de décrire à quoi lui fait penser la photo. Les illustrations n'ont rien d'original, on pourrait tout en dire, ou rien.

 

Je parle toujours beaucoup de tout ça avec Vania, et, imperceptiblement, elle a commencé à glisser dans mon monde.

Non qu'elle me croie totalement, que sa raison ait capitulé, mais elle a entrevu ce dont je parle, le monde qui m'habite. Et elle commence à s'habituer, à avoir envie de me rejoindre.

Pour la fin des questionnaires, elle est venue m'aider, elle semblait pressée que je puisse rappeler Hermès. Elle voulait qu'on en finisse, qu'on passe à la suite.

En trois jours nous avons utilisé les cent questionnaires, nous avons rencontré cent personnes dans la rue. Vania a eu beaucoup plus de succès que moi, elle en a fait remplir les deux tiers.

 

Nous contemplons le tas de feuilles, remis dans l'enveloppe. Le transmetteur est posé à côté, sur la table. Nous sommes prêts.

J'appuie sur le bouton. Ça commence par un petit bruit, puis l'écran s'illumine. Vania se penche par-dessus mon épaule pour regarder l'engin.

« Johnny ? C'est toi ? »

C'est la voix d'Hermès, il me semble.

On ne voit d'abord rien, mais rapidement des formes apparaissent, floues puis de plus en plus précises. Finalement Hermès se dessine parfaitement sur le petit écran. Il porte un genre de casque sur la tête et la même combinaison bleue qu'il avait lors de notre rencontre.

Il semble être dans un bureau, pour la première fois je vois d'autres personnes derrière lui, d'autres extraterrestres.

« Hermès ? Oui, c'est Johnny Milou…

- Bien. Je suis content de t'entendre, Johnny.

- Oui, bonjour. Moi aussi, j'en suis ravi… Je ne savais même pas s'il marchait, ce transmetteur… Tu nous vois aussi ?

- Oui, bien sûr, je te vois, et je vois une jeune femme avec toi, Vania, je suppose.

- B… Bonjour, répond-elle, tremblante.

- Oui, je te présente Vania, je lui ai raconté ce qui s'est passé. Elle avait du mal à me croire, mais maintenant ça va être bon…

- Vous êtes vraiment un extraterrestre ? Demande-t-elle soudainement.

- Oui, je suis né dans un autre système stellaire.

- Et là, vous n'êtes pas sur terre, vous êtes dans l'espace ?

- Exact. Et vous avez de la chance, aujourd'hui je ne suis pas à la base… »

Pendant qu'il parle, on voit l'image bouger rapidement. Puis ça se fixe, il a dû reposer la caméra. Comme tout à l'heure, l'image redevient progressivement de plus en plus nette.

On voit apparaître une grande baie vitrée. La moitié est complètement noire, l'autre est blanc bleuté, c'est la Terre. On voit une énorme boule se détacher sur le fond noir de l'univers.

Sur l'océan Atlantique bleu sombre les continents se détachent, le nord de l'Afrique, l'Espagne et le reste de l'Europe, le tout parsemé de petits nuages d'un blanc éclatant. Je regrette que l'image diffusée par le transmetteur soit trop petite pour nous permettre de voir notre ville.

Comme en réponse à cette pensée, Hermès reprend.

« Je suis au-dessus de vos têtes en ce moment. Nous sommes en train d'effectuer des mesures. D'ailleurs je ne peux pas vous parler très longtemps, j'ai du travail, bien qu'on puisse considérer que parler avec vous soit une partie de mon travail. Mais il fallait que je te joigne, Johnny, parce que je vais être absent pendant quelque temps, je voulais te prévenir. Je dois justement aller rendre compte de mes échanges avec toi, et demander ce qu'il m'est permis de faire pour la suite.

- Ah… Ben justement, moi je voulais te dire qu'on avait fait le sondage… Cent personnes… Et je voulais te demander si on peut te rencontrer…

- Non, je suis désolé, mais ça ne sera pas possible avant un mois. Je ne serai pas joignable. Vous pouvez continuer les sondages, mais ce n'est pas très important. Si vous voulez, tous les deux, vous pouvez préparer un rapport sur l'état de conscience des terriens par rapport à la vie extraterrestre, les obstacles psychologiques particuliers qui pourraient faire barrage à la diffusion de cette idée… Ce n'est pas formel, mais nous pourrions en avoir besoin dans le futur, vous et moi. »

Vania est statufiée, elle s'est accrochée à mon épaule et ne dit plus rien.

« Euh… D'accord, si tu veux…

- Commencez seulement à y penser, nous en reparlerons dans un mois. Je vous téléphonerai quand je serai aux alentours de chez vous. »

Je lui donne l'adresse et le numéro de téléphone de Vania, puis il dit qu'il doit couper la communication, qu'il doit s'occuper de ce qui s'affiche sur son écran de contrôle.

Nous nous retrouvons seuls sur la Terre.

 

Comme chaque fois que je quitte Hermès, je me sens vide. Mais ce qui est tout à fait nouveau, c'est la présence de Vania à mes côtés.

Vania est immobile, mais on sent que, dans cette immobilité, elle est très agitée. Je sais exactement ce qu'elle ressent, j'ai expérimenté le même état quand je suis sorti de la soucoupe, la première fois, puis la seconde. C'est le moment où l'on se dit : « Nom de dieu, c'est vrai ! »

C'est vrai, des extraterrestres existent, et ils sont là. Juste là-haut, au-dessus de nos têtes. Hermès est en train de passer. Je me lève pour aller voir le ciel, il est parsemé de nuages blancs, effectivement.

Vania m'a regardé traverser la pièce, tirer les rideaux et revenir, puis son regard est reparti dans le vide. Elle ne me demande pas ce que je faisais, elle a dû comprendre. Peut-être a-t-elle espéré, un instant, que le ciel soit d'un bleu pur ou d'un gris sombre, mais en tout cas pas parsemé de petits nuages. Ça lui aurait évité cette douloureuse remise en question.

Pour avoir vécu le doute, je sais que c'est dur à avaler, même si on se prépare, même si on a tout à fait accepté l'idée. Les convictions ancrées, la culture ancestrale, elles, ne cèdent que lorsque la vérité éclate, quand on la touche directement.

 

J'ai essayé d'en reparler, mais il n'y a pas eu moyen avant la fin du dîner.

Quand je me suis levé pour débarrasser et préparer un café, elle s'est rendu compte qu'elle ne pourrait pas éviter éternellement le sujet.

 

Pendant que je verse le café, elle ne dit toujours rien, mais elle me regarde avec plus d'insistance, comme pour me supplier d'engager la discussion.

J'ai moi aussi très envie d'en parler, de lui dire ce que j'ai ressenti quand je me suis trouvé comme elle en face d'un fait.

Et je voudrais savoir ce qui va changer, maintenant que nous sommes deux.

« Alors ?

- Quoi, alors ? Répond-elle agacée.

- Ben, qu'est-ce que t'en penses ? De cette discussion, du transmetteur, de ce qu'a dit Hermès…

- Pffff….

- Ça fait un choc, hein ?

- Oui, tu peux le dire… Je ne sais plus quoi penser.

- Eh bien, admets.

- Oui… Mais quand même… Après tout ce n'est qu'un transmetteur…

- Et il y a moi, Vania. Il y a tout ce que j'ai vécu, et que je t'ai raconté. Vas-y, s'il te plaît, fais le pas, admets que c'est vrai…

- Oui, j'admets… D'un certain côté j'admets… Mais d'un autre je ne sais pas quoi en penser… Qu'est-ce que ça change ? Que dois-je faire maintenant ? »

Je ne peux pas m'empêcher de pouffer de rire.

« Sais-tu, Vania, que j'en étais exactement là quand je t'ai rencontrée ? C'est ce que je me demandais, c'est pour ça que j'en ai parlé…

- Ah bon ?

- Oui, exactement… Moi, quand j'ai eu ce doute, je t'ai rencontrée, et, à ce moment, tu me croyais… En tout cas tu m'as dit que tu me croyais… Et aujourd'hui je suis là, devant toi, et c'est toi qui doutes… Alors je te rends la pareille, je peux t'assurer que je te crois, complètement, sans aucune hésitation. Il y a des extraterrestres. »

Elle rigole, ce qui est bon signe.

« Ne te tracasse pas, va. Je sais que ça remet beaucoup de choses en question, moi je n'ai pas encore fini de le digérer… Et puis, maintenant que nous sommes deux, on va pouvoir en parler… »

Elle sourit et vient se blottir dans mes bras.

« Oui, Johnny, maintenant on est tous les deux dans la galère, c'est sûr… »